Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain
dans la Mésopotamie et en Assyrie, plusieurs trophées. Une
relation imparfaite de leurs exploits aurait interrompu le récit intéressant
des révolutions qui, dans cette période, agitèrent l’intérieur de l’empire.
Comme ces événements particuliers sont peu importants par eux-mêmes, nous ne
parlerons ici que des calamités auxquelles furent souvent exposées deux des
principales villes de l’Orient, Séleucie et Ctésiphon.
Séleucie , bâtie sur la rive occidentale du Tigre, à quinze
lieues environ au nord de l’ancienne Babylone, était la capitale des
Macédoniens, dans la Haute Asie [672] .
Plusieurs siècles après la chute de leur empire, cette ville avait conservé le
véritable caractère de ses fondateurs : on y retrouvait encore les arts, le
courage militaire et l’amour de la liberté, qui distinguaient les colonies
grecques. Un sénat, composé de trois cents nobles, gouvernait cette république
indépendante. Six cent mille citoyens y vivaient tranquillement à l’abri de
leurs remparts fortifiés ; et tant que les différents ordres de l’État
demeurèrent unis, ils n’eurent que du mépris pour la puissance des Parthes.
Mais quelquefois d’insensés factieux implorèrent le secours dangereux de
l’ennemi commun, qu’ils voyaient posté presque aux portes de la ville [673] . Les souverains
des Parthes se plaisaient, comme les monarques de l’Indoustan, à mener la vie
pastorale des Scythes leurs ancêtres. Ils campaient souvent dans la plaine de
Ctésiphon, sur la rive orientale du Tigre, à la distance seulement de trois
milles de Séleucie [674] .
Le luxe et le despotisme attiraient autour du prince une foule innombrable; et
le petit village de Ctésiphon devint insensiblement une grande ville [675] . Les Romains,
sous le règne de Marc-Aurèle, pénétrèrent jusque dans ces contrées [an 165] .
Reçus en amis par la colonie grecque, ils attaquèrent, les armes à la main, le
siége de la grandeur des Parthes. Les deux villes éprouvèrent cependant le même
traitement. Les Romains flétrirent leurs lauriers [676] par le pillage
de Séleucie et par le massacre de trois cent mille habitants. Cette superbe
cité, qu’avait déjà épuisée le voisinage d’un rival trop puissant, succomba
sous le coup fatal [an 198] . Ctésiphon seule sortit de ses
ruines ; et, dans un espace de trente-trois ans, elle avait repris assez
de force pour soutenir un siège opiniâtre contre l’empereur Sévère. Elle fut
néanmoins emportée d’assaut, et le roi qui la défendait en personne se sauva
précipitamment. Cent mille captifs et de riches dépouilles récompensèrent les
travaux des soldats romains [677] .
Babylone, Séleucie, n’existaient plus : ainsi, malgré tant de malheurs,
Ctésiphon conserva le rang d’une des plus grandes capitales de l’Asie. En été,
les vents rafraîchissants qui sortent des montagnes de la Médie rendaient le
séjour d’Ecbatane plus agréable aux monarques persans ; mais pendant l’hiver
ils venaient jouir à Ctésiphon des douceurs d’un climat plus tempéré.
Les Romains, quoique victorieux, ne tirèrent aucun avantage
réel ni durable de leurs expéditions, et jamais ils ne songèrent à conserver
des conquêtes si éloignées, séparées de leur empire par de vastes déserts.
L’acquisition de l’Oshroène, moins brillante à la vérité, leur devint bien plus
importante. Ce petit État renfermait la partie septentrionale et la plus
fertile de la Mésopotamie, entre le Tigre et l’Euphrate ; Édesse, sa
capitale, avait été bâtie à vingt milles environ au-delà du premier de ces
fleuves et les habitants, depuis Alexandre, étaient un mélange de Grecs,
d’Arabes, de Syriens et d’Arméniens [678] .
Les faibles monarques de ce royaume; .placés entre les frontières de deux
empires rivaux, paraissaient intérieurement disposés en faveur des Parthes ;
cependant la puissance formidable de Rome leur arracha un hommage qu’ils ne
rendirent qu’à regret, mais qu’attestent encore leurs médailles. Les Romains
crurent devoir s’assurer de leur fidélité par des gages plus certains : après la
guerre des Parthes, sous Marc-Aurèle, ils construisirent des forteresses au
milieu de leur pays, et ils mirent une garnison dans l’importante place de
Nisibis. Durant les troubles qui suivirent la mort de Commode, les princes, de
l’Oshroène entreprirent en vain de secouer le joug. La politique ferme de
Sévère sut les contenir [679]
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