Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain
l’Euphrate [686] ,
elle se trouva environnée de troupes supérieures en nombre ; et les
flèches de l’ennemi la détruisirent entièrement. La seconde armée se flattait
de pouvoir pénétrer dans le cœur de la Médie. L’alliance de Chosroês, roi
d’Arménie [687] ,
lui en facilitait l’entrée ; et les montagnes, dont tout le pays est
couvert, la mettaient à l’abri des attaques de la cavalerie persane. Les
Romains ravagèrent d’abord les provinces voisines, et leurs premiers succès
semblent excuser, en quelque sorte, la vanité de l’empereur ; mais la retraite
de ces troupes victorieuses fut mal dirigée, ou du moins malheureuse. En
repassant les montagnes, les fatigues d’une routé pénible et le froid rigoureux
de la saison firent périr un grand nombre de soldats. Tandis que ces deux
grands détachements marchaient en Perse par les extrémités opposées, Alexandre,
à la tête du principal corps d’armée, devait les soutenir en se portant au
centre du royaume. Ce jeune prince, sans expérience, dirigé par les conseils dé
sa mère, ou peut-être par sa propre timidité, trompa la valeur de ses soldats,
et renonça aux plus belles espérances. Après avoir passé l’été en Mésopotamie
dans l’inaction, il ramena honteusement à Antioche une armée que les maladies
avaient considérablement diminuée, et qu’irritait le mauvais succès de cette
expédition. La conduite d’Artaxerxés avait été bien différente. Volant avec
rapidité des montagnes de la Médie aux marais de l’Euphrate, ce prince se
montra partout où sa présence paraissait nécessaire ; il repoussa lui-même
l’ennemi, et, toujours supérieur à la fortune, il joignit à la plus grande
habileté le courage le plus intrépide. Mais les combats opiniâtres qu’il eut à
soutenir contre les vétérans des légions romaines lui coûtèrent l’élite de ses
troupes : ses victoires même l’avaient épuisé. L’absence d’Alexandre, et la
confusion qui suivit la mort de cet empereur, offraient en vain une nouvelle
carrière à son ambition. Loin de chasser les Romains du continent de l’Asie,
comme il le prétendait, il se trouva hors d’état de leur arracher la petite
province de Mésopotamie [688] .
Le règne d’Artaxerxés, qui, depuis la dernière défaite des
Parthes, gouverna la Perse pendant quatorze ans, forme une époque mémorable
dans les annales de l’Orient et même dans l’histoire de Rome. Son caractère
semble avoir eu une expression forte et hardie qui distingue généralement le
prince qui s’élève par le droit des armes, de celui que le droit de sa
naissance appelle au trône de ses pères. Les Perses respectèrent sa mémoire
jusqu’à la fin de leur monarchie, et son code de lois fut toujours la base de
leur administration civile et religieuse [689] .
Plusieurs de ses maximes nous sont parvenues. Une entre autres prouve combien
ce prince pénétrant connaissait les ressorts du gouvernement. L’autorité du
monarque , disait-il, doit être soutenue par une force militaire. Cette
force ne peut se maintenir que par des impôts. Tous les impôts tombent à la fin
sur l’agriculture ; et l’agriculture ne fleurira jamais qu’à l’abri de la
modération et de la justice [690] .
Le fils d’Artaxerxés était digne de lui succéder. Sapor hérita des États de son
père, et de ses idées de conquête contre les Romains ; mais ces projets
ambitieux, trop vastes pour les Perses, firent le malheur des deux nations, et
les plongèrent dans une suite de guerres sanglantes.
A cette époque, la nation persane, depuis longtemps
civilisée et corrompue, était bien loin de posséder la valeur qu’inspirent
l’indépendance, la force du corps et l’impétuosité de l’âme, qui ont livré
l’empire de l’univers aux Barbares du septentrion. Les principes d’une tactique
éclairée, qui rendirent triomphantes, Rome et la Grèce, et qui distinguent
aujourd’hui les habitants de l’Europe, n’ont jamais fait de progrès
considérables en Orient. Les Perses n’avaient aucune idée de ces évolutions
admirables qui dirigent et animent une multitude confuse, et ils ignoraient
également l’art de construire, d’assiéger ou de défendre des fortifications
régulières. Ils se fiaient plus à leur nombre qu’à leur courage, plus à leur
courage qu’à leur discipline. Une victoire dispersait, aussi facilement qu’une
défaite, leur infanterie composée d’une foule de paysans
Weitere Kostenlose Bücher