Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain
des
hommes, ou participer à leur nature. C’est sur la cime des plus hautes
montagnes que les Perses offrent des sacrifices. Leur culte consiste
principalement dans des prières et dans des hymnes sacrés. L’objet qu’ils invoquent
est cet être suprême dont l’immensité remplit la vaste étendue des cieux . »
Mais on reconnaît dans l’historien grec les idées du polythéisme, lorsqu’il
attribue, en même temps aux disciples de Zoroastre la coutume d’adorer la
terre, l’eau, le feu, les vents, le soleil et la lune. De tout temps les Perses
ont entrepris d’éloigner cette imputation, en expliquant les motifs d’une
conduite un peu équivoque : s’il révéraient les éléments, et surtout le feu, la
lumière et le soleil, en leur langue Mithra [645] ,
c’est qu’ils les regardaient comme les symboles les plus purs, les productions
les plus nobles, et les agents les plus actifs de la nature et de la puissante
divine [646] .
Pour faire une impression profonde et durable sur l’esprit
humain, toute. religion doit exercer notre obéissance, en nous prescrivant des
pratiques de dévotion dont il nous soit impossible d’assigner le motif. Elle
doit encore gagner notre estime, en inculquant dans notre âme des devoirs de
morale analogues aux mouvements de notre propre coeur. Zoroastre avait employé
avec profusion le premier de ces moyens, et suffisamment le second. Dés que le
fidèle Persan avait atteint l’âge de puberté, on lui donnât une ceinture
mystérieuse, gage de la protection divine ; et depuis ce moment, toutes les actions
de sa vie, les plus nécessaires comme les plus indifférentes, étaient également
sanctifiées par des prières, des éjaculations ou des génuflexions. Aucune
circonstance particulière ne devait le dispenser de ces cérémonies ; la plus
légère omission l’aurait rendu aussi coupable que s’il eût manqué à la justice,
à la compassion, à la libéralité et à tous les devoirs de la morale [647] . D’un autre
côté, ces devoirs essentiels étaient indispensablement prescrits au disciple de
Zoroastre, qui voulait échapper aux persécutions d’Ahriman, et qui aspirait à
vivre avec Ormuzd dans une éternité bienheureuse, où le degré de félicité est
exactement proportionné au degré de piété et de vertu dont on a donné l’exemple
sur la terre [648] .
Zoroastre ne s’exprime pas toujours en prophète ;
quelquefois il prend le ton de législateur. C’est alors qu’il paraît s’occuper
du bonheur des peuples, et laisse voir, sur ces différents sujets, une
élévation d’esprit que l’on découvre rarement dans les méprisables ou
extravagants systèmes de la superstition. Le jeûne et le célibat lui semblent
odieux ; il condamne ces moyens si ordinaires d’acheter la faveur divine :
selon lui, il n’est point de plus grand crime que de dédaigner ainsi les dons
précieux d’une providence bienfaisante. La religion des mages ordonne â l’homme
pieux d’engendrer des enfants, de planter des arbres utiles, de détruire les
animaux nuisibles, d’arroser le sol aride de la Perse, et de travailler à
l’œuvre de son salut en cultivant la terre. On trouve dans le Zend-Avesta une
maxime dont la sagesse doit faire oublier un grand nombre d’absurdités que ce
livre renferme. Celui qui sème des grains avec soin et avec activité, amasse
plus de mérites que s’il avait répété dix mille prières [649] .
Tous les ans on célébrait au printemps une fête destinée à
rappeler l’égalité primitive, et à représenter la dépendance réciproque du
genre humain. Les superbes monarques de la Perse se dépouillaient de leur vaine
pompe, et, environnés d’une grandeur plus véritable, ils paraissaient confondus
dans la classe la plus humble, mais la plus utile de leurs sujets. Les
laboureurs étaient alors admis sans distinction à la table du roi et des
satrapes : le souverain recevait leurs demandes, écoutait leurs plaintes
et conversait familièrement avec eux. C’est à vos travaux , leur
disait-il (et s’il ne s’exprimait pas sincèrement, il parlait au moins le
langage de la vérité), c’est à vos travaux que nous devons notre
subsistance. Nos soins paternels assurent votre tranquillité : ainsi, puisque
nous nous sommes également nécessaires, vivons ensemble, aimons-nous comme
frères, et que la concorde règne toujours parmi nous [650] . Dans un État
puissant et soumis au despotisme, une pareille fête dut, à la
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