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Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Titel: Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Edward Gibbon
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les grandes monarchies, des millions d’hommes, condamnés à l’obscurité, se
livrent en paix à des occupations utiles. L’écrivain et le lecteur n’ont alors
devant les yeux qu’une cour, une capitale, une armée régulière, et les pays qui
peuvent être le théâtre de la guerre ; mais, au sein des discordes
civiles, chez un peuple libre et barbare, ou dans de petites républiques [771] les situations
deviennent bien plus intéressantes : presque tous les membres de la
société sont en action, et méritent par conséquent d’être connus. Les divisions
irrégulières des Germains, leur agitation  perpétuelle, éblouissent notre
imagination : il semble que leur nombre se multiplie. Cette énumération
prodigieuse de rois et de guerriers, d’armées et de nations, ne doit pas nous
faire oublier que les mêmes objets ont sans cesse été représentés sous des
dénominations différentes, et que les dénominations les plus magnifiques ont
été souvent prodiguées aux objets les moins importants.

Chapitre X
Les empereurs Dèce, Gallus, Émilien, Valérien et Gallien. Irruption générale
des Barbares. Les trente tyrans.
    DEPUIS les jeux séculaires célébrés avec tant de pompe par
Philippe, jusqu’à la mort de l’empereur Gallien, vingt ans de calamites
désolèrent et déshonorèrent l’univers romain. Durant cette période désastreuse,
dont tous les instants furent marqués par la honte et par le malheur, les
provinces restèrent exposées aux invasions des Barbares, et gémirent sous le
despotisme des tyrans militaires : l’empire s’affaissait de tous côtés ; ce
grand corps semblait toucher au moment de sa ruine. La confusion des temps et
le manque de matériaux présentent d’égales difficultés à l’historien qui
voudrait mettre un ordre suivi dans sa narration. Entouré de fragments
imparfaits, toujours, concis, souvent obscurs, quelquefois contradictoires, il
est réduit à recueillir, à comparer, à conjecturer ; et quoiqu’il ne lui soit
pas permis de ranger ses conjectures dans la classe des faits, il peut suppléer
au défaut des monuments historiques par la connaissance générale de l’homme et
du jeu des passions, lorsque n’étant retenues par aucun frein, elles exercent
toute leur violence.
    Ainsi l’on concevra, sans difficulté, que les massacres
successifs de tant d’empereurs durent relâcher tous les liens de fidélité entre
les princes et les sujets ; que les généraux de Philippe étaient disposés à
imiter l’exemple de leur maître ; et que le caprice des armées, accoutumées
depuis longtemps à de fréquentes et violentes évolutions, pouvait élever sur le
trône le dernier des soldats. L’histoire se contente d’ajouter que la première
rébellion contre l’empereur Philippe éclata parmi les légions de Mœsie, dans
l’été de l’année 249. Le choix de ces troupes séditieuses tomba sur Marinus,
officier subalterne [772] .
Philippe prit l’alarme : il craignit que ces premières étincelles ne
causassent un embrasement général. Déchiré par les remords d’une conscience
coupable, et tremblant à la vue du danger qui le menaçait, il fit part au sénat
de la révolte des légions. Le morne silence qui régna d’abord dans l’assemblée
attestait la crainte, et peut-être le mécontentement  général, jusqu’à ce
qu’enfin Dèce, l’un des sénateurs, prenant un caractère conforme à la noblesse
de son extraction, osât montrer plus de fermeté que le prince. Il parla de la
conspiration comme d’un soulèvement passager et digne de mépris, et il traita
Marinus de vain fantôme, qui serait détruit en peu de jours par la même
inconstance qui l’avait créé. Le prompt accomplissement de la prophétie frappa
l’empereur. Rempli d’une juste estime pour celui dont les conseils avaient été
si utiles, il le crut seul capable de rétablir l’harmonie et la discipline dans
une armée dont l’esprit inquiet n’avait pas été entièrement calmé après la mort
du rival de Philippe. Dèce refusa longtemps d’accepter cet emploi ; il voulait
faire entende au prince, combien il était dangereux de présenter un chef habile
à des soldats animés par le ressentiment et par la crainte. L’événement
justifia encore sa prédiction : les légions de Mœsie forcèrent leur juge à
devenir leur complice ; elles ne lui laissèrent que l’alternative de la
mort ou de la pourpre. Après une démarche si décisive, il n’avait

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