Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain
nécessaires
pour remplir ses magnifiques promesses, il n’en eut pas du moins le temps ;
moins, de quatre mois s’écoulèrent entre son élévation et sa chute [825] . Il avait vaincu
Gallus, et succomba sous un compétiteur plus formidable que Gallus. Cet
infortuné, prince avait chargé Valérien, déjà revêtu du titre honorable de
censeur, d’amener à son secours les légions de la Gaule et de la Germanie [826] . Valérien
exécuta cette commission avec zèle et avec fidélité ; arrivé trop tard
pour sauver son souverain, il résolut de le venger. La sainteté de son
caractère et plus encore la supériorité de son armée, imprimèrent du respect
aux troupes d’Émilien, qui restaient toujours campées dans les plaines de
Spolète. Ces soldats indisciplinés n’avaient jamais, été dirigés par aucun
principe ; devenus alors incapables d’attachement personnel, ils ne
balancèrent pas à tremper leurs mains dans le sang d’un prince, qui venait
d’être l’objet de leur choix. Ils commirent seuls le crime [827] [août 253] ; Valérien, en recueillit le fruit. A la vérité, la guerre civile porta ce sage
citoyen sur le trône ; mais il en monta les degrés avec une innocence rare
dans ce siècle de révolutions, puisqu’il ne devait ni reconnaissance ni
fidélité au souverain dont il prenait la place.
Valérien avait environ soixante ans [828] lorsqu’il
commença son règne. Ce ne furent ni le caprice de la populace ni les clameurs
de l’armée qui lui mirent la couronne sur la tête ; il semblait obéir à la
voix unanime de l’univers. romain. Dans la carrière des honneurs qu’il avait
successivement obtenus, il avait mérité la faveur des princes vertueux, et
s’était montré l’ennemi des tyrans [829] .
La noblesse de son extraction, la douceur et la pureté de ses mœurs, l’étendue
de ses connaissances et la grande expérience qu’il avait acquise, lui
attiraient la vénération du sénat et du peuple. Si le genre humain, selon la
remarque d’un ancien auteur, eût été libre de se donner un maître, son choix
serait tombe sur Valérien [830] .
Peut-être le mérite de cet empereur ne répondait-il pas à sa réputation : son
habileté ou du moins son courage se ressentait peut-être de la langueur et du
refroidissement de l’âge. La conviction de sa propre faiblesse engagea Valérien
à partager le trône avec un associé plus jeune et plus actif. Les circonstances
ne demandaient pas moins un général qu’un monarque, et l’expérience du censeur
romain aurait dû lui désigner le collègue le plus digne par ses talents
militaires de recevoir la pourpre comme la récompense de son mérite. Au lieu de
faire un choix judicieux, qui, en affermissant son règne, aurait rendu sa
mémoire chère à la postérité, Valérien ne consulta que les mouvements de sa
tendresse ou de sa vanité ; il conféra les honneurs suprêmes à son fils
Gallien, jeune prince dont les vices efféminés avaient été jusqu’alors cachés
dans l’obscurité d’une condition privée [831] .
Le père et le fils gouvernèrent ensemble l’univers durant sept ans environ.
Gallien régna seul pendant huit autres années ; mais toute cette période
ne présente qu’une suite non interrompue de calamités et de confusion. L’empire
romain attaqué de tous cotés, éprouva à la fois la fureur aveugle des Barbares
du dehors, et l’ambition cruelle des usurpateurs domestiques. Pour mettre de
l’ordre et de la clarté dans notre narration, nous suivrons moins la succession
incertaine des dates, que la division plus naturelle des sujets. Les plus
dangereux ennemis de Rome furent alors : 1° les Francs, 2° les Allemands,
3° les Goths, 4° les Perses. Sous ces dénominations générales nous comprendrons
des tribus moins considérables, qui se sont aussi rendues célèbres par leurs
exploits, mais dont les noms rudes et obscurs ne serviraient qu’à surcharger la
mémoire et à fatiguer l’attention du lecteur.
I . Comme la postérité des Francs forme une des
nations les plus grandes et les plus éclairées de l’Europe, l’érudition et le
génie se sont épuisés pour découvrir l’état primitif de ses barbares ancêtres.
Aux contes de la crédulité ont succédé les systèmes de l’imagination. L’esprit
de recherche a scrupuleusement examiné tous les passages qui pouvaient
éclaircir cette matière, et s’est porté sur tous les lieux où il a cru
apercevoir de faibles
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