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Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Titel: Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Edward Gibbon
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qu’après avoir, de l’aveu
même de ses ennemis, épuisé toutes les ressources de la politique [28] . Cette guerre
mémorable dura cinq années, presque sans aucune interruption : Trajan, qui
pouvait disposer à son gré de toutes les forces de l’empire, demeura vainqueur
et soumit entièrement les Barbares [29] .
La Dacie, qui fit une  seconde fois  exception aux préceptes d’Auguste, avait
environ quatre cents lieues de circonférence : les limites naturelles de
cette province étaient le Niester, le Theiss ou Tibisque, le bas Danube et le
Pont-Euxin. On voit encore aujourd’hui les vestiges d’un chemin militaire
depuis le Danube jusque auprès de Bender, place fameuse dans l’histoire
moderne, et qui sert maintenant de frontière à l’empire ottoman et à la Russie [30] .
    Trajan était avide de gloire. Tant que le genre humain
continuera de répandre plus d’éclat sur ses destructeurs que sur ses
bienfaiteurs, la soif de la gloire militaire sera toujours le défaut des
caractères les plus élevés. Les louanges d’Alexandre, transmises par une
succession de poètes et d’historiens, avaient allumé, dans l’âme de Trajan, une
émulation dangereuse. A l’exemple du roi de Macédoine, l’empereur romain
entreprit une expédition contre les peuples d’Orient ; mais il soupirait,
en faisant réflexion que son âge avancé ne lui laissait pas l’espoir d’égaler
la réputation du fils de Philippe [31] .
Cependant les succès de Trajan, quoique de peu de durée, furent brillants et
rapides ; il mit en déroute les Parthes, dégénérés et affaiblis par des
guerres intestines. Il parcourut en triomphe les bords du Tigre, depuis les
montagnes d’Arménie jusqu’au golfe Persique. Il navigua le premier sur cette
mer éloignée, et de tous les généraux romains il est le seul qui ait jamais
joui de cet honneur : ses flottes ravagèrent les côtes de l’Arabie. Enfin
Trajan se flatta qu’il touchait déjà aux rivages de l’Inde [32] . Chaque jour le
sénat étonné entendait parler de noms jusqu’alors inconnus, et de nouveaux
peuples qui reconnaissaient la puissance de Rome : il apprit que les rois
du Bosphore, de Colchos d’Ibérie, d’Albanie, d’Osrhoène, que le souverain des
Parthes lui-même, tenaient leurs diadèmes des mains de l’empereur ; que
les Mèdes et les habitants des montagnes de Carduchie avaient imploré sa
protection, et que les riches contrées de l’Arménie, de la Mésopotamie et de
l’Assyrie, étaient réduites en provinces [33] .
Mais la mort de Trajan obscurcit bientôt ces brillants tableaux, et l’on eut
tout lieu de craindre que des nations si éloignées ne secouassent bientôt un
joug inaccoutumé, dès qu’elles n’avaient plus à redouter la main puissante qui
le leur avait imposé.
    On rapportait que lorsque le Capitole avait été fondé par un
des anciens rois de Rome, le dieu Terme seul, parmi les divinités inférieures,
avait refusé de céder sa place à Jupiter même. Ce dieu présidait aux limites et
selon l’usage de ces temps grossiers, il était représenté sous la forme d’une
pierre. Les augures avaient interprété cette obstination du dieu Terme de la
manière la plus favorable : c’était, selon eux, un présage certain que les
bornes de la puissance romaine ne reculeraient jamais [34] . Cette tradition
s’était toujours conservée ; et, comme il arrive d’ordinaire, la
prédiction du fait, pendant un grand nombre de siècles, en assura
l’accomplissement. Mais, quoique le dieu Terme eût résisté à la majesté de
Jupiter, il fût obligé de se soumettre à l’autorité d’Adrien [35] . Cet empereur
commença son règne par renoncer aux nouvelles conquêtes de Trajan. Les Parthes
recouvrèrent le droit de s’élire un souverain indépendant ; il retira les
troupes romaines des places où elles étaient en garnison en Arménie, en Assyrie
et dans la Mésopotamie. Adrien reprit le système d’Auguste, et le cours de
l’Euphrate servit de nouveau de frontière à l’empire [36] . L’envie, qui ne
manque pas de censurer les actions publiques et les vues particulières des
princes, s’est efforcée d’attribuer à des motifs de jalousie une conduite qui
peut-être était dictée par la prudence et par la modération. Ce soupçon pouvait
trouver quelque fondement dans le caractère singulier d’Adrien, capable tour à
tour des sentiments les plus bas et les plus élevés ; cependant il ne
pouvait

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