Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain
Dédaignant le nom inférieur de César, il exigea hautement celui
d’Auguste ; et Galère, après avoir inutilement employé les prières et les
raisons les plus fortes, souscrivit à sa demande [1259] [en 308] .
L’univers romain fut gouverné, pour la première et pour la dernière fois, par
six empereurs. En Occident, Constantin et Maxence affectaient de respecter leur
père Maximien. Licinius et Maximin, en Orient, montraient une considération plus
réelle à Galère leur bienfaiteur. L’opposition d’intérêt et le souvenir récent
d’une guerre cruelle divisèrent l’empire en deux grandes puissances
ennemies ; mais leurs craintes respectives produisirent une tranquillité
apparente et même une feinte réconciliation, jusqu’à ce que là mort des deux
plus anciens souverains, de Maximien et surtout de Galère, donnât, une nouvelle
direction aux vues et aux passions ambitieuses des princes qui leur
survécurent.
Lorsque Maximien avait, malgré sa répugnante, abdiqué
l’empire, la bouche vénale des orateurs de ce siècle avait applaudi à sa
modération philosophique. Ils le remercièrent de son généreux patriotisme,
lorsque son ambition alluma ou du moins attisa le feu de la guerre ; et
ils le reprirent doucement de cet amour pour le repos et pour la solitude, qui
l’avait éloigné du service public [1260] .
Mais il était impossible que l’harmonie subsistât longtemps entre Maximien et
son fils, tant qu’ils seraient assis sur le même trône. Maxence qui se
regardait comme le souverain de l’Italie, légitimement élu par le sénat et par
le peuple romain, ne pouvait supporter les prétentions arrogantes de son père.
D’un autre côté, Maximien déclarait que son nom et ses talents avaient seuls
établi sur le trône un jeune prince téméraire et sans expérience. Une cause si
importante fut plaidée devant les gardes prétoriennes. Ces troupes, qui
redoutaient la sévérité du vieil empereur, embrassèrent le parti de Maxence [1261] . On respecta
toutefois la vie et la liberté de Maximien, qui se retira en Illyrie, affectant
de déplorer son ancienne conduite, et méditant en secret de nouveaux complots.
Mais Galère, qui connaissait son caractère turbulent, le força bientôt à
quitter ses domaines, et le dernier asile du malheureux fugitif fut la cour de
Constantin [1262] .
Ce prince habile eut pour son beau-père les plus grands égards et l’impératrice
Fausta le reçut avec toutes les marques de la tendresse filiale. Maximien, pour
éloigner tout soupçon, résigna une seconde fois la pourpre [1263] ;
protestant qu’il était enfin convaincu de la vanité, des grandeurs et de
l’ambition. S’il eût suivi constamment ce dessein ; il aurait pu finir ses
jours avec moins de dignité, il est vrai, que dans sa première retraite ;
cependant il aurait encore goûté les douceurs d’un repos honorable. La vue du
trône qui frappait ses regards lui rappela le poste brillant d’où il était
tombé ; et il résolut de tenter, pour régner ou périr, le dernier effort
du désespoir. Une incursion des Francs avait obligé Constantin de se rendre sur
les bords du Rhin. Il n’avait avec lui qu’une partie de son armée : le
reste de ses troupes occupait .les provinces méridionales de la Gaule, qui se
trouvaient exposées aux entreprises de l’empereur d’Italie, et l’on avait
déposé dans la ville d’Arles un trésor considérable. Tout à coup le bruit se
répand que Constantin a perdu la vie dans son expédition. Maximien, qui avait
inventé cette fausse nouvelle, ou qui y avait ajouté foi trop légèrement, monte
sur le trône sans hésiter ; s’empare du trésor, et, le dispersant avec sa
profusion ordinaire parmi les soldats, il leur remet devant les yeux ses
exploits et son ancienne dignité. Il paraît même qu’il s’efforça d’attirer à
son parti son fils Maxence ; mais il n’avait point encore pu terminer
cette négociation, ni affermir son autorité, lorsque la célérité de Constantin
renversa toutes ses espérances. Ce prince ne fut pas plus tôt informé de
l’ingratitude et de la perfidie de son beau père, qu’il vola avec une diligence
incroyable des bords du Rhin à ceux de la Saône. Il s’embarqua à Châlons sur
cette dernière rivière. Arrivé à Lyon, il s’abandonna au cours rapide du Rhône,
et parût aux portes d’Arles avec des forces, auxquelles Maximien ne pouvait
espérer de résister ; il eut à peine le temps
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