Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain
de se réfugier dans la ville
de Marseille, voisine de la ville d’Arles. La petite langue de terre qui
joignait cette place au continent était fortifiée, et la mer pouvait favoriser
la fuite de Maximien ou l’entrée des secours de son fils, si Maxence avait
intention d’envahir la Gaule, sous le prétexte honorable de défendre un père
malheureux, et qu’il pouvait prétendre outragé. Prévoyant les suites fatales
d’un délai, Constantin ordonna l’assaut ; mais les échelles se trouvèrent
trop courtes, et l’empereur d’Occident aurait pu demeurer arrêté devant
Marseille aussi longtemps que le premier des Césars. La garnison elle-même mit
fin à ce siége : les soldats, ne pouvant se dissimuler leur faute et les
dangers qui les menaçaient, achetèrent leur pardon en livrant la ville et la
personne de Maximien. Une sentence irrévocable de mort fut prononcée en secret
contre l’usurpateur [février 310] . Il obtint seulement la même grâce
qu’il avait accordée à Sévère ; et l’on publia qu’oppressé par les remords
d’une conscience tant de fois coupable, il s’était étranglé de ses propres
mains. Depuis qu’il avait perdu l’assistance de Dioclétien, et dédaigné les
avis modérés de ce sage collègue, il n’avait vécu que pour attirer sur l’État
une foule de malheurs, et sur lui-même d’innombrables humiliations. Enfin,
après trois ans de calamités, sa vie active fut terminée par une mort
ignominieuse. Ce prince méritait sa destinée ; mais nous applaudirions
davantage l’humanité de Constantin, s’il eût épargné un vieillard dont il avait
épousé la fille, et qui avait été le bienfaiteur de son père. Dans cette triste
scène, il paraît que Fausta sacrifia au devoir conjugal les sentiments que lui
put inspirer la nature [1264] .
Les dernières années de Galère furent moins honteuses et
moins infortunées. Quoiqu’il eût rempli plus de gloire le poste subordonné de
César que le rang suprême d’Auguste, il conserva jusqu’à l’instant de sa mort
la première place parmi les princes de l’empire romain : il vécut encore quatre
ans environ après sa retraite d’Italie ; et, renonçant sagement à ses
projets de monarchie universelle, il ne songea plus qu’à mener une vie
agréable. On le vit même alors s’occuper de travaux utiles à ses sujets ;
il fit écouler dans le Danube le superflu des eaux du lac Pelson, et couper les
forêts immenses qui l’entouraient ; ouvrage important qui rendait à la
Pannonie une grande étendue de terres labourables [1265] . Ce prince
mourut d’une maladie longue et cruelle. Son corps, devenu d’une grosseur
excessive par une suite de l’intempérance à laquelle il s’était livré toute sa
vie, se couvrit d’ulcères et d’une multitude innombrable de ces insectes qui
ont donné leur nom à un mal affreux [1266] .
Mais, comme Galère avait offensé un parti zélé et très puissant parmi ses
sujets, ses souffrances, loin d’exciter leur compassion, ont été signalées
comme l’effet visible de la justice divine [1267] .
Il n’eût pas plutôt rendu les derniers soupirs dans son palais de Nicomédie,
que les deux princes dont il avait été le bienfaiteur commencèrent à rassembler
leurs forces, d’ans l’intention de se disputer ou de se partager les États qui
lui avaient appartenu. On les engagea cependant à renoncer au premier de ces
projets, et à se contenter du second. Les provinces d’Asie tombèrent, en
partage à Maximin ; celles d’Europe augmentèrent les domaines de Licinius :
l’Hellespont et le Bosphore de Thrace formèrent leurs limites respectives ; et
les rives de ces détroits, qui se trouvaient dans le centre de l’empire romain
furent couvertes de soldats, d’armes et de fortifications. La mort de Maximien
et de Galère réduisait à quatre le nombre des empereurs. Un intérêt commun unit
bientôt Constantin et Licinius : Maximin et Maxence conclurent ensemble une
secrète alliance. Leurs infortunés sujets attendaient avec effroi les suites
funestes d’une dissension devenue inévitable depuis que ces souverains étaient
plus retenus par la crainte ou par le respect que leur inspirait Galère [1268] .
Parmi cette foule de crimes et de malheurs enfantés par les
passions des princes romains, on éprouve quelque plaisir à rencontrer seulement
une action qui puisse être attribuée à leur vertu. Constantin, dans la sixième
année de son règne, visita
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