Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain
lui-même et ses disciples qui conversèrent arec lui sur la terre,
loin d’autoriser par leur exemple, les petites observances de la loi mosaïque [1359] , auraient
annoncé à l’univers que ces cérémonies, désormais inutiles, étaient détruites,
et ils n’auraient pas souffert que le christianisme restât pendant plusieurs
années obscurément confondu parmi les sectes de l’Église juive. Tels furent, ce
qu’il paraît, les arguments employés pour défendre la cause expirante de la loi
de Moïse ; mais l’industrieuse érudition de nos théologiens a suffisamment
expliqué les termes ambigus de l’Ancien Testament, et la conduite équivoque des
prédicateurs apostoliques. Il fallait développer par degrés le système de
l’Évangile ; il fallait user de la plus grande réserve et des ménagements
les plus délicats, en prononçant une sentence de condamnation si contraire aux
inclinations et aux préjugés des Juifs convertis.
L’Histoire de l’Église de Jérusalem fournit, une preuve
frappante de la nécessité de ces précautions, et de l’impression profonde que
la religion juive avait faite sur l’esprit de ses sectateurs. Les quinze
premiers évêques de Jérusalem furent tous des Juifs circoncis et la
congrégation à laquelle ils présidaient, unissait la loi de Moïse avec la
doctrine de Jésus-Christ [1360] .
La tradition primitive d’une Église fondée quarante jours seulement après la
mort du Sauveur, et gouvernée pendant presque autant d’années sous l’inspection
immédiate des apôtres, devait naturellement être reçue comme le modèle de la
foi orthodoxe [1361] .
Les Églises éloignées avaient souvent recours à l’autorité respectable de leur
mère, dont elles s’empressaient de soulager les besoins par de généreuses
contributions d’aumônes. Mais lorsque des sociétés nombreuses et opulentes
eurent été établies dans les grandes villes de l’empire, Antioche, Alexandrie,
Éphèse, Corinthe et Rome, on vit insensiblement diminuer la vénération que
Jérusalem avait inspirée à toutes les colonies chrétiennes. Les Juifs
convertis, ou, comme on les appela dans la suite, les nazaréens, qui avaient
jeté les fondements de l’Église, se trouvèrent bien accablés par la multitude
des prosélytes, qui, de toutes les différentes religions du polythéisme,
accouraient en foule se ranger sous la bannière de Jésus-Christ ; et les
gentils, autorisés par leur apôtre particulier à rejeter le fardeau
insupportable des cérémonies mosaïques, voulurent aussi refuser à leurs frères
plus scrupuleux la même tolérance qu’ils avaient d’abord humblement sollicitée
pour eux-mêmes. Les nazaréens ressentirent vivement la ruine de la ville, du
temple et de la religion nationale du peuple juif : en effet, quoiqu’ils
eussent renoncé à la foi de leurs ancêtres, ils tenaient toujours intimement,
par leurs mœurs, à des compatriotes impies, donc les malheurs, attribués par
les païens au mépris de l’Être suprême, étaient, à bien plus juste titre, aux
yeux des chrétiens, l’effet de la colère d’un Dieu vengeur. Après la
destruction de Jérusalem, les nazaréens se retirèrent au-delà du Jourdain dans
la petite ville de Pella, où cette ancienne Église languit durant plus de
soixante ans dans la solitude et dans l’obscurité [1362] . Ils avaient
toujours la consolation de faire de pieuses visites à la cité sainte ;
et ils se nourrissaient de l’espoir qu’ils seraient un jour rendus à ces
demeures chéries que la religion et la nature leur avaient appris à aimer et à
respecter. Mais enfin, sous le règne d’Adrien, le fanatisme désespéré des Juifs
combla la mesure de leurs calamités ; et les Romains, indignés des rebellions
réitérées de ce peuple, usèrent avec rigueur des droits de la victoire.
L’empereur bâtit une nouvelle ville sur le mont Sion [1363] , il lui donna
le nom d’ Œlia Capitolina , lui accorda les privilèges d’une
colonie ; et, décernant les châtiments les plus sévères contre tout Juif
qui oserait approcher de son enceinte, il y mit en garnison une cohorte romaine
pour assurer l’exécution de ses ordres. Les nazaréens ne pouvaient échapper que
par une seule voie à la proscription générale. La force de la vérité fut alors
secourue de l’influence des avantages temporels. Ils élurent pour leur évêque
Marcus, prélat de la race des gentils, et qui tirait probablement son origine
de
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