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Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Titel: Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Edward Gibbon
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ecclésiastique qui fut instituée par la secte vaincue. Le
patriarche qui avait fixé sa résidence à Tibériade, nommait les ministres et
les apôtres inférieurs ; il exerçait une juridiction domestique et ses
frères dispersés lui payaient une contribution annuelle [1564] . De nouvelles
synagogues furent souvent élevées dans les principales villes de l’empire.
Enfin, on observait publiquement, et avec la plus grande solennité, les
sabbats, les jeûnes et les fêtes qui avaient été ordonnées par la loi de Moïse
ou prescrites par les traditions des rabbins [1565] . Un traitement
si doux modéra par degrés l’obstination des Juifs. Ils ne se laissèrent plus
entraîner par de vaines prédictions ; et, renonçant à toute idée de
conquêtes, ils se conduisirent en sujets paisibles et industrieux. La haine
qu’ils nourrissaient contre le genre humain, au lieu de les porter à des actes
de cruauté et de violence, se déploya d’une manière moins dangereuse. Ils
saisirent avidement toutes les occasions de tromper les idolâtres dans le
commerce, et ils prononcèrent en secret des imprécations équivoques contre le
superbe royaume d’Édom [1566] .
    Puisque les Juifs, qui rejetaient avec horreur les divinités
adorées par leurs souverains et par les autres sujets de l’empire, jouissaient
cependant du libre exercice de leur religion insociable, il a donc existé
quelque autre cause, qui exposait les disciples de Jésus-Christ à des rigueurs
que n’éprouvait pas la postérité d’Abraham. La différence qui se trouvait entre
eux est simple et facile à saisir, mais aux yeux de l’antiquité, elle
paraissait de la plus grande importance. Les Juifs étaient une nation ,
les chrétiens une secte  ; et l’on croyait, que si tout corps
politique est obligé de respecter les institutions religieuses de ses voisins,
il est de son devoir de conserver celles de ses ancêtres. La voix des oracles,
les préceptes des philosophes, et l’autorité des lois, concouraient unanimement
à fortifier cette obligation nationale. Les prétentions hautaines des Juifs,
qui vantaient leur sainteté supérieure pouvaient porter les polythéistes à les
regarder comme une race odieuse et impure. En dédaignant de se mêler avec les
autres peuples, les descendants d’Abraham pouvaient s’attirer leur mépris. Les
lois de Moïse pouvaient être, pour la plupart, frivoles ou absurdes ;
cependant, puisque durant plusieurs siècles elles avaient été reçues par une
grande société, ceux qui les pratiquaient, alléguaient pour leur justification
l’exemple du genre humain ; et l’on convenait universellement qu’ils
avaient le droit d’exercer un culte qu’il ne leur aurait pas été possible de
négliger sans être criminels. Mais ce principe, qui devenait la sauvegarde de
la synagogue des Juifs, ne pouvait servir à protéger ni à favoriser la
primitive église. Les chrétiens en embrassant la foi de l’Évangile, étaient
supposés coupables d’un crime impardonnable et inouï. Ils rompaient les liens
sacrés de la coutume et de l’éducation ; ils violaient les institutions
religieuses de leur pays ; et ils méprisaient orgueilleusement tout ce que
leurs ancêtres avaient cru comme vrai, avaient révéré comme sacré. Une pareille
apostasie (si l’on peut se servir de cette expression) ne tenait pas seulement
à quelque objet ou à quelque lieu particulier ; en effet, le pieux déserteur
qui fuyait les temples de l’Égypte ou de la Syrie, aurait également dédaigné de
chercher un asile dans ceux d’Athènes ou de Carthage. Tout chrétien rejetait
avec mépris les superstitions de sa famille, de sa ville, de sa province. Le
corps entier des chrétiens refusait unanimement de reconnaître les dieux de
Rome, de l’empire et de l’univers. En vain le fidèle opprimé réclamait-il le
droit inaltérable que tout homme à de disposer de sa conscience et de son
jugement particulier ; sa situation pouvait bien exciter la pitié des
philosophes ou des polythéistes de l’univers païen, mais ses arguments ne
touchaient jamais leur esprit. Ils ne concevaient pas que l’on balançât à se
conformer au culte établi ; et de pareils scrupules ne leur causaient pas moins
d’étonnement que si l’on eût conçu une soudaine horreur pour les mœurs,
l’habillement et le langage de sa patrie [1567] .
    A la surprise des païens succéda bientôt le
ressentiment ; et les plus pieux des hommes furent

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