Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain
l’Ancien, qui ont dû éprouver les
effets immédiats de ce prodige ou en être des premiers informés. Ces deux
philosophes ont, chacun dans un ouvrage plein de recherches, parlé de tous les
grands phénomènes de la nature : des tremblements de terre, des météores,
des comètes, des éclipses, qu’à pu recueillir leur infatigable curiosité [1554] ; ils ont
omis l’un et l’autre le plus grand phénomène dont l’homme ait jamais été témoin
depuis la création du globe [1555] .
Pline consacre un chapitre particulier aux éclipses d’une nature
extraordinaire, et dont la durée avait été peu commune [1556] ; mais il
n’y parle que de ce singulier obscurcissement que l’on remarqua dans le ciel
après la mort de César, lorsque, durant plus d’une année, l’orbe du soleil
parut pâle et. sans éclat. Ce temps d’obscurité, qui ne peut certainement être
comparé avec les ténèbres surnaturelles de la passion, avait déjà été célébré
par la plupart des poètes [1557] ou des historiens de ce siècle mémorable [1558] .
Chapitre XVI
Conduite du gouvernement romain envers les chrétiens, depuis le règne de Néron
jusqu’à celui de Constantin.
EN CONSIDÉRANT la pureté de la religion chrétienne, la
sainteté de sa morale, la vie innocente et austère du plus grand nombre de ceux
qui, durant les premiers siècles, embrassèrent la foi de l’Évangile, nous
devrions naturellement supposer qu’une doctrine si bienfaisante aurait été
reçue, même par un monde idolâtre, avec tout le respect qu’elle méritait ; que
les personnes les plus distinguées par leurs connaissances et par la politesse
de leurs moeurs, auraient bien pu tourner en ridicule les miracles de la
nouvelle secte, mais qu’elles en auraient estimé les vertus ; que, loin de la
persécuter, les magistrats auraient protégé une classe d’hommes qui rendaient
une obéissance passive aux lois, quoiqu’ils se refusassent aux soins actifs de
la guerre et du gouvernement. D’un autre côté, si on se rappelle la tolérance
universelle du polythéisme, invariablement soutenue parla croyance du peuple,
par l’incrédulité des philosophes et par la politique du sénat et des empereurs
romains, il est difficile de découvrir quelle nouvelle offense les chrétiens
avaient commise, quelle nouvelle injure avait aigri la douce indifférence de
l’antiquité, et, avait pu provoquer les princes romains, jusqu’alors
insensibles à la vue de toutes les formes variées de la religion qui subsistait
en paix sous leur gouvernement modéré ; quels nouveaux motifs enfin les
portèrent tout à coup à infliger des châtiments cruels à quelques-uns de leurs
sujets qui avaient adopté une forme de foi et de culte singulière, mais
innocente.
La politiqué religieuse de l’ancien monde semble avoir pris
un caractère plus sévère et plus intolérant pour s’opposer aux progrès du
christianisme : quatre-vingts ans environ après la mort de Jésus-Christ, ses
innocents disciples furent condamnés à mort par la sentence d’un proconsul
humain et philosophe, et en vertu des lois d’un empereur distingué par la
sagesse et par la justice de son administration générale. Les apologies qui
furent souvent adressées aux successeurs de Trajan sont remplies des plaintes
les plus touchantes : elles peignent le sort infortuné des chrétiens, qui,
obéissant aux mouvements de leur conscience, sollicitaient la permission
d’exercer librement leur religion, et qui, seuls parmi les sujet de l’empire
romain, se trouvaient exclus des avantages de leur sage gouvernement. On a
rapporté avec sur la mort de quelques martyrs éminents, et depuis que le
christianisme a été revêtu du pouvoir suprême, les supérieurs de l’Église ne se
sont pas moins appliqués à étaler la cruauté de leurs adversaires idolâtres,
qu’à imiter leur conduite. Notre intention, dans ce chapitre, est de séparer,
s’il est possible, un petit nombre de faits authentiques et intéressants, d’une
masse informe de fictions et d’erreurs, et d’exposer avec ordre et avec clarté
les causes, l’étendue, la durée et les circonstances les plus importantes des
persécutions souffertes par les premiers chrétiens [1559] .
Opprimés par la crainte, animés par le ressentiment, et
peut-être échauffés par l’enthousiasme, les sectateurs d’une religion
persécutée sont rarement dans une disposition d’esprit capable d’examiner
tranquillement
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