Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Titel: Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Edward Gibbon
Vom Netzwerk:
deux compagnies choisies, moitié à  pied, moitié à
cheval, dont on formait les protecteurs , ce poste avantageux était
l’ambition et la récompense des meilleurs soldats. Les protecteurs montaient la
garde dans les appartements intérieurs, et étaient souvent dépêchés dans les
provinces pour y exécuter les ordres qui demandaient du courage et de la
célérité [1934] .
Les comtés des domestiques avaient succédé aux préfets du prétoire  ;
et du service du palais, ils aspirèrent, comme eux, au commandement des armées.
    La communication entre la cour et les provinces fut
facilitée par la construction des routes et l’institution des postes ;
mais à l’avantage qui résultait de ces établissements se joignit un abus
intolérable. Deux ou trois cents agents ou messagers furent employés, sous les
ordres du maître des offices, à communiquer aux provinces les noms des consuls
de l’année, les édits et les victoires des empereurs. S’étant ingérés peu à peu
de rapporter à la cour tout ce qu’ils pouvaient observer de la conduite des
magistrats et des particuliers, ils firent regardés comme les yeux du
prince [1935] et le fléau des citoyens. L’influence propice d’un règne faible les multiplia
jusqu’au nombre incroyable de dix mille. Ils méprisèrent les douces mais
fréquentes admonitions des lois, et exercèrent dans la régie des postes les
exactions les plus odieuses et les vexations les plus insolentes. Ces espions
officiels, qui avaient une correspondance exacte avec le palais, furent
encouragés, par des faveurs et des récompenses, à surveiller attentivement les
progrès de tout dessein criminel, depuis les symptômes faibles et sourds du
mécontentement, jusqu’aux préparatifs d’une révolte ouverte. Ils couvraient du
masque révéré du zèle, la légèreté ou la perfidie avec laquelle ils violaient
continuellement la justice et la vérité, et lançaient impunément leurs traits
empoisonnés dans le sein du criminel ou de l’innocent, qui s’était attiré leur
haine, ou qui avait refusé d’acheter leur silence. Un sujet fidèle, habitant
peut-être la Bretagne ou la Syrie, était exposé au danger, et pour le moins à
la crainte de se voir traîné sous le poids des chaînes jusqu’à Milan ou à
Constantinople, pour y défendre sa vie contre les accusations insidieuses de
ces délateurs privilégiés. L’administration ordinaire était conduite par ces
moyens qu’une extrême nécessité pourrait seule pallier, et l’on avait soin de
suppléer au défaut de témoins par l’usage de la torture [1936] .
    La trompeuse et dangereuse invention de la question criminelle, selon le nom expressif qu’on lui a donné, était reçue plutôt
qu’approuvée par la jurisprudence des Romains. Ils n’employaient cette
sanguinaire méthode d’examen que par des corps dévoués à l’esclavage, et- dont
ces républicains orgueilleux pesaient rarement les douleurs dans la balance de
la justice et de l’humanité. Mais ils ne consentirent jamais à violer la
personne sacrée d’un citoyen, jusqu’à ce que la preuve du crime fut évidente [1937] . Les annales de
la tyrannie, depuis le règne de Tibère jusqu’à celui de Domitien rapportent en
détail l’exécution d’un grand nombre de victimes innocentes. Mais aussi
longtemps que la nation eut un faible souvenir de sa glaire et de sa liberté,
les derniers moments d’un Romain furent à l’abri du danger d’une torture
ignominieuse [1938] .
Les magistrats des provinces ne suivirent cependant ni les usages de la
capitale, ni les maximes des gens de loi ; ils trouvèrent l’usage de la
question établi, non seulement chez les esclaves de la tyrannie orientale, mais
aussi chez les Macédoniens, qui obéissaient à une monarchie mitigée ; chez
les Rhodiens, qui florissaient par la liberté et le commerce, et même chez les
sages Athéniens, qui avaient soutenu et relevé la dignité de l’homme [1939] . Le
consentement des habitants des provinces, encouragea les gouverneurs à
demander, et peut-être à usurper le pouvoir arbitraire de forcer, par les
tourments, des accusés, vagabonds et plébéiens, à l’aveu du crime dont on les
présumait coupables ; ils confondirent ensuite peu à peu les distinctions
du rang, et ils dédaignèrent les privilèges des citoyens romains. Les sujets
effrayés sollicitaient, et le souverain avait soin d’accorder une foule
d’exemptions spéciales qui approuvaient

Weitere Kostenlose Bücher