Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain
détails presque infinis de la
dépense annuelle et journalière qu’entraînent les administrations civiles et
militaires d’un grand empire. La comptabilité seule occupait plusieurs
centaines de commis, distribués en sept différentes classes, très adroitement
combinées pour contrôler réciproquement leurs opérations respectives. Le nombre
de ces gens tendait toujours à s’alimenter ; et l’on fut obligé plusieurs
fois de renvoyer d’inutiles surnuméraires qui avaient déserté les honorables
travaux de la campagne pour se livrer avec ardeur à la profession lucrative des
finances [1926] .
Vingt-neuf receveurs provinciaux, dont dix-huit avaient le titre de comtes,
correspondaient avec le trésorier. Sa juridiction s’étendait sur les mines d’où
l’on extrayait les métaux précieux, sur les établissements où ils étaient
convertis en monnaie courante, et sur les trésors publics des principales
villes où ils étaient déposés pour le service de l’État. Le commerce de
l’empire avec l’étranger était conduit par ce ministre ; il dirigeait
aussi les manufactures de toile et d’étoffes de laine, dans lesquelles les
opérations successives de la filature, de la tissure, et de la teinture étaient
exécutées principalement par des femmes de condition servile, pour l’usage du
palais et de l’armée. On comptait vingt-six de ces établissements dans
l’Occident, où les arts étaient plus récemment introduits ; et l’on doit
en supposer un plus grand nombre dans les provinces industrieuses de l’Orient [1927] . 5° Outre le
revenu public qu’un monarque absolu pouvait lever et dépenser à son gré, les
empereurs possédaient, en qualité de citoyens opulents, une propriété très
considérable. Elle était administrée par le comte ou le trésorier du
revenu particulier. Une partie provenait sans doute des anciens domaines des
rois, des républiques subjuguées ; ils pouvaient s’être augmentés de
quelques parties des biens des différentes familles qui avaient été
successivement revêtues de la pourpre, et de ce qu’y avaient ajouté
successivement les différents empereurs ; mais le principal de ce revenu venait
de la source impure des confiscations et amendes. Les domaines de l’empereur,
étaient répandus dans toutes les provinces, depuis la Mauritanie jusqu’à la
Grande-Bretagne. Mais la richesse et la fertilité du sol de la Cappadoce
engagèrent le monarque à acquérir dans cette province des possessions
considérables [1928] ;
et Constantin ou ses successeurs saisirent l’occasion de couvrir leur avidité
du masque d’un zèle religieux. Ils supprimèrent le riche temple de Comana, où
le grand-prêtre de la déesse de la guerre tenait l’état d’un souverain. Ils
s’approprièrent des terres habitées par six mille sujets ou esclaves de la
divinité et de ses ministres [1929] .
Les hommes n’étaient pas les plus précieux habitants de cette contrée. Les
plaines qui s’étendent du pied du mont Argée aux bords de la rivière de Sarus,
nourrissent une race de chevaux estimés dans l’ancien monde comme supérieurs à
tous les autres par la beauté de leur structure et par leur incomparable
vitesse. Ces animaux sacrés étaient destinés au service du palais et des jeux
impériaux [1930] ,
et la loi défendait de les profaner pour le service, d’un maître vulgaire. Les
domaines de la Cappadoce étaient assez importants pour exiger l’inspection d’un
comte [1931] ; on plaça des officiers d’un rang inférieur dans ceux du reste de
l’empire ; des représentants des trésoriers publics et particuliers
conservèrent l’exercice indépendant de leurs emplois, et furent protégés dans
toutes les occasions contre l’autorité des magistrats de la province [1932] . 6°, 7° Les
bandes choisies de cavalerie et d’infanterie qui gardaient la personne de
l’empereur, prenaient les ordres des deux comtes des domestiques . Cette
garde consistait en trois mille cinq cents hommes, partagés en sept écoles ou troupes , chacune de cinq cents ; et les Arméniens étaient en Orient,
presque les seuls en possession de ce service honorable. Lorsque, dans les
cérémonies publiques, on les rangeait dans les cours et dans les portiques du
palais, leur haute stature, leur discipline silencieuse, et leurs magnifiques
armes, brillantes d’or et d’argent, présentaient un spectacle digne de la
grandeur romaine [1933] .
On tirait de ces sept écoles
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