Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain
l’Orient, depuis l’Euxin jusqu’à l’extrémité de la
Thébaïde, la force et le nombre de leurs adhérents étaient plus également
balancés ; et cette égalité, au lieu de les porter à la paix, ne servait qu’à
perpétuer les horreurs de la guerre religieuse. Les moines et les évêques
soutenaient leurs arguments par des invectives, et des invectives ils passaient
souvent à la violence. Athanase gouvernait toujours Alexandrie ; des évêques
ariens occupaient les sièges d’Antioche et de Constantinople, et chaque vacance
épiscopale était l’occasion d’une émeute populaire. La réconciliation de
cinquante-neuf évêques macédoniens, ou semi-ariens, avait fortifié le parti des
homoousiens ; mais leur secrète répugnance à confesser la divinité du
Saint-Esprit., obscurcissait la gloire de ce triomphe ; et la déclaration de
Valens, qui, dans les premières années de son règne, avait imité la conduite
impartiale de son frère, fut une victoire importante en faveur de l’arianisme.
Les deux empereurs s’étaient contentés, avant leur élévation, de la qualité de
catéchumènes ; mais la piété de Valens lui fit désirer de recevoir le sacrement
de baptême avant d’exposer sa personne aux dangers d’une guerre contre les
Goths. Il s’adressa naturellement à Eudoxe [2909] ,
évêque de la ville impériale ; et si le prélat arien instruisit le monarque
ignorant dans les principes d’une théologie hétérodoxe, c’est aux suites inévitables
de ce choix erroné qu’il faut attribuer le crime ou plutôt le malheur de son
disciple. Mais quelque choix qu’eut pu faire Valens, il offensait
nécessairement une portion nombreuse de ses sujets, les chefs des homoousiens
et des ariens étant également persuadés qu’on leur faisait une violente injure
et une injustice cruelle en les empêchant de faire la loi. Après cette démarche
décisive, qui fut très difficile de conserver ou la vertu ou la réputation
d’impartialité. Il n’aspirait pas, comme Constance, à passer pour un profond
théologien, mais, ayant reçu les dogmes d’Eudoxe avec une docilité
respectueuse, il soumit aveuglément sa conscience à ses guides ecclésiastiques,
et employa l’influence de son autorité à réunir les hérétiques athanasiens au corps de l’Église catholique. L’empereur déplora d’abord leur aveuglément,
leur obstination enflamma peu à peu sa colère, et il finit par haïr des
sectaires dont il était détesté [2910] .
Le faible Valens se laissait toujours gouverner par ceux qui conversaient familièrement
avec lui ; et dans une cour despotique, l’exil ou l’emprisonnement d’un citoyen
sont les faveurs les plus faciles à obtenir. Les chefs du parti homoousien en
furent souvent les victimes ; l’opinion publique accusa la cruauté préméditée
de l’empereur et de ses ministres ariens du désastre de quatre-vingts
ecclésiastiques de Constantinople, qui périrent, peut-être accidentellement,
dans l’incendie du vaisseau sur lequel ils étaient embarqués. Dans toutes les
contestations, les catholiques (si nous pouvons d’avance nous servir de ce nom)
payaient pour leurs fautes et pour celles de leurs adversaires. Les candidats
ariens obtenaient la préférence dans toutes les élections, et quand la majorité
du peuple s’y opposait, le magistrat civil venait à leur secours et se servait,
au besoin, de la force militaire. Les ennemis de saint Athanase essayèrent de
verser de l’amertume sur les dernières années d’un vieillard respectable, et
l’on a célébré, comme un cinquième exil, sa retraite passagère au sépulcre de
son père. Mais le zèle ardent d’un peuple nombreux qui prit précipitamment les
armes ; intimida le préfet, et l’archevêque eut la liberté de terminer
tranquillement et glorieusement sa vie, après un règne de quarante-sept ans. La
mort de saint Athanase fut le signal de la persécution d’Égypte. Le ministre
païen de Valens plaça, par la force, l’indigne Lucius sur le siège
archiépiscopal d’Alexandrie, et acheta la faveur de la faction dominante par la
persécution et par le sang des autres chrétiens. L’entière tolérance qu’on
accordait au culte des juifs et des païens, amèrement déplorée par les
catholiques opprimés, leur semblait ajouter encore à leurs misères et aggraver
le crime du tyran impie de l’Orient [2911] .
La victoire du parti orthodoxe a flétri la mémoire de Valens
du titre de
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