Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain
des Allemands, qui, avec des menaces et des
cris d’insulte, en firent un trophée de leur victoire. On reprit l’étendard,
mais les Bataves, aux yeux de leur juge sévère, n’avaient pas encore réparé la
honte de leur fuite. Valentinien, était persuadé que ses soldats, avant de
parvenir à mépriser leurs ennemis, devaient apprendre à redouter leur
commandant. Il fit assembler solennellement ses troupes, et les Bataves se
virent avec effroi environnés de toute l’armée impériale. L’empereur monta sur
son tribunal, et, dédaignant de punir des lâches par la mort, il imprima une
tache d’ignominie indélébile sur les officiers dont l’inconduite et la
pusillanimité avaient été la première cause de cette défaite honteuse. On
dégrada les Bataves de leur rang, on leur ôta leurs armes, et ils furent
condamnés à être vendus comme esclaves au dernier enchérisseur. A cette
épouvantable sentence, les coupables se prosternèrent, tâchèrent de fléchir
l’indignation de leur souverain, et promirent, si on daignait leur accorder
encore une épreuve, de se montrer dignes du nom de Romains et de ses soldats.
Valentinien feignit d’y consentir avec répugnance ; les Bataves reprirent leurs
armes et en même temps l’inébranlable résolution de laver leur honte dans le
sang des Allemands [2932] .
Dagalaiphus refusa de commander en chef ; et cet habile officier, qui avait
représenté, peut-être avec trop de prudence, la difficulté de l’entreprise,
eut, avant la fin de la campagne, la mortification de voir surmonter, toutes
ces difficultés par son rival Jovin, dans une victoire décisive qu’il remporta
sur les forces dispersées des Barbares. A la tête d’une armée bien disciplinée,
composée d’infanterie, de cavalerie et de troupes légères, Jovin avança
rapidement, mais avec précaution, sur Scarponna [2933] , dans le
territoire de Metz, où il surprit une forte division des Allemands avant qu’ils
eussent le temps de courir aux armes, et anima ses soldats par l’espoir de vaincre
sans peine et sans danger. Une autre division, ou plutôt une autre armée, après
avoir inutilement et cruellement dévasté tous les pays d’alentour, se reposait
sur les bords ombragés de la Moselle, Jovin, qui avait observé le terrain avec
le coup d’œil d’un général, s’avança en silence, à travers une vallée profonde
et couverte de bois, jusqu’à ce qu’il pût distinctement s’assurer par ses
propres yeux de l’indolente sécurité des Germains. Les uns baignaient leurs
grands corps dans la rivière, d’autres peignaient leurs longs cheveux blonds,
ou avalaient de copieuses rasades de vins rares et délicieux. Tout à coup la
trompette romaine se fit entendre, et des légions s’élancèrent dans leur camp.
La surprise produisit à désordre, le désordre fut suivi de la déroute et de
l’épouvante, et cette multitude confuse des plus braves guerriers tomba sans
défense sous les épées et les traits des soldats romains et des auxiliaires.
Ceux qui prirent la fuite se réfugièrent à la troisième et principale armée,
dans les plaines Catalauniennes près la ville de Châlons en Champagne : on fit
précipitamment rentrer les détachements dispersés, et les chefs des Barbares,
alarmés et avertis par le désastre de leurs compagnons, se préparèrent à
combattre, dans une bataille générale et décisive, les forces victorieuses du
lieutenant de Valentinien. Ce combat sanglant et opiniâtre se soutint, durant
toute une journée d’été, avec une valeur égale et des succès alternatifs. Les
Romains vainqueurs à la fin, perdirent environ douze cents hommes. Les
Allemands laissèrent six mille morts sur le champ de bataille, et quatre mille
furent blessés. Le brave Jovin après avoir chassé jusque sur les bords du Rhin
les restes de leur armée en déroute, revint à Paris jouir des applaudissements
de son souverain, et recevoir la dignité de consul pour l’année suivante [2934] . Les Romains
déshonorèrent leur triomphe par le traitement indigne qu’ils firent essuyer à
un roi captif. Ils le pendirent à un gibet, à l’insu de leur général indigné
lorsqu’il apprit cette barbarie. Cette action honteuse, dont on pouvait accuser
la fureur du soldat, fut suivie du meurtre prémédité de Withicab ; le fils de
Vadomair, prince allemand, d’une constitution faible et valétudinaire, mais
d’une valeur ardente et redoutable. Un assassin domestique commit ce
Weitere Kostenlose Bücher