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Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Titel: Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Edward Gibbon
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répandait
avec ostentation, on célébrait par des louanges immodérées, les connaissances
qu’ils lui avaient péniblement communiquées : son caractère doux : et docile
recevait facilement l’impression de leurs sages préceptes, et l’absence des
passions passait en lui pour l’effort d’une raison prématurée. Ses précepteurs,
élevés insensiblement au rang de ministres d’État [3138] , dissimulèrent
sagement aux yeux du public l’autorité qu’ils conservaient sur leur pupille ;
et par leur secours secret, le jeune souverain parut agir, dans les
circonstances les plus importantes de sa vie et de son règne, avec autant de
prudence que de fermeté ; mais l’influence de leurs instructions ne fit qu’une
impression peu profonde, et les habiles instituteurs qui dirigeaient si
judicieusement la conduite de Gratien ne purent introduire dans son âme
indolente et faible le principe d’activité, germe vigoureux et indépendant des
grandes actions, qui rend la poursuite de la gloire nécessaire au bonheur et
même à l’existence d’un héros. Dès que le temps ou les évènements eurent
éloigné de son trône ces fidèles conseillers, l’empereur d’Occident redescendit
insensiblement au niveau de son génie naturel. Il abandonna, les rênes du
gouvernement aux mains ambitieuses toujours prêtés à s’en saisir, et consuma
ses loisirs dans les occupations les plus frivoles. Les indignes agents de son
pouvoir, sur le mérite desquels on ne pouvait élever un doute sans devenir
coupable de sacrilège [3139] ,
vendaient publiquement à la cour et dans les provinces leur faveur et leurs
injustices. Des saints et des évêques [3140] dirigeaient la conscience du crédule Gratien ; et ils en obtinrent un édit qui
condamnait à une peine capitale la violation, la négligence, et même
l’ignorance de la doctrine divine [3141] .
Parmi les exercices dont le monarque s’était occupé pendant sa jeunesse, ceux
du cheval, de l’arc et du javelot, avaient particulièrement attiré son
attention ; mais il appliqua ces talents, utiles à un soldat, aux moins nobles
plaisirs de la chasse. De vastes parcs furent enclos de murs et abondamment
peuplés de toutes sortes d’animaux sauvages. Gratien, négligeant les devoirs et
la dignité de son rang, passait des journées entières à déployer sa vigueur et
ses talents pour ce jeu frivole. L’orgueil que mettait l’empereur à exceller
dans un art, ou le plus vil de ses esclaves aurait pu l’emporter sur lui,
rappelait aux spectateurs le souvenir de Néron et de Commode, mais le chaste et
doux Gratien était exempt de leurs vices monstrueux, et sa main ne se teignit
jamais que du sang des animaux [3142] .   
    La conduite qui dégradait Gratien aux yeux de ses sujets
n’aurait pas troublé la tranquillité de son règne s’il n’eût point excité le
ressentiment de son armée par des injures particulières. Tant qu’il fut guidé
par les instructions de ses sages instituteurs, le jeune monarque se déclara
l’ami et l’élève de ses soldats. Il causait dans le camp familièrement avec eux
des heures entières et semblait s’occuper avec soin de leur santé, de leurs
besoins, de leurs récompenses et de tous leurs intérêts ; mais des que Gratien
fut livré à son ardente passion pour la chasse et les jeux de l’arc, il n’eut
plus de relation qu’avec ceux dont l’adresse pouvait contribuer à ses plaisirs
favoris. Il admit un corps d’Alains au service militaire et domestique du
palais, et ils exercèrent dans les parcs et les enclos de la Gaule la dextérité
surprenante qu’ils étaient accoutumés à déployer dans les plaines immenses de
la Scythie. Gratien admirait les talents et les usages de ses gardes favoris,
et leur confiait exclusivement la sûreté de sa personne ; et, comme s’il eût
voulu insulter à l’opinion publique, il se montrait souvent vêtu de l’habit
fourré, armé de l’arc long et du bruyant carquois qui composaient le costume
d’un guerrier scythe. Ce révoltant spectacle d’un prince romain qui renonçait à
l’habillement et aux usages de son pays, enflammait les légions de douleur et
d’indignation [3143] .
Les Germains eux-mêmes, qui composaient une si redoutable partie des armées de
l’empire, affectaient de mépriser l’étrange et horrible figure des sauvages du
Nord, qui dans le cours de peu d’années, avaient poussé leurs courses
vagabondes depuis le Volga jusqu’aux bords de la

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