Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain
l’honorable, invitation du parti orthodoxe de Constantinople. A son
arrivée dans la capitale, un parent pieux et charitable le reçut dans sa maison
; on consacra la chambre la plus vaste aux cérémonies de la religion ; et on
choisit le nom d’ Anastasie pour exprimer la résurrection de la foi de
Nicée. Cette assemblée particulière se convertit dans la suite en une église
magnifique ; et la crédulité du siècle suivant adopta sans peine les miracles
et les visions qui attestaient la présence de la mère de Dieu, ou au moins sa
protection [3168] .
La chaire de l’Anastasie fut le théâtre des travaux, et des triomphes de saint
Grégoire, et, dans l’espace de deux ans, il éprouva toutes les révolutions
spirituelles qui constituent les succès et les revers d’un missionnaire [3169] . Les ariens,
irrités de la hardiesse de son entreprise, l’accusèrent de prêcher trois
divinités égales et distinctes, et excitèrent le zèle de la populace à
s’opposer, par des attroupements et des violences, à l’assemblée irrégulière
des hérétiques athanasiens. Une troupe de mendiants qui avaient perdu tous
leurs droits à la commisération, des moines qui ressemblaient à des boucs ou à
des satyres et des femmes plus violentes que des Jézabels , sortirent
pêle-mêle de la cathédrale de Sainte-Sophie. lis enfoncèrent les portes de
l’Anastasie, et, armés de pierres, de bâtons et de tisons ardents, y firent
beaucoup de dégâts qu’ils essayèrent même de porter encore plus loin. Un homme
ayant perdu la vie dans cette bagarre, saint Grégoire, appelé le lendemain devant
le juge, eût la satisfaction de se regarder comme un confesseur du nom de
Jésus-Christ. Débarrassé, dans la suite, de la crainte des ennemis extérieurs,
saint Grégoire de Nazianze eut le chagrin de voir son Église naissante
déshonorée par des dissensions. Un étranger, qui portait le nom de Maxime [3170] et le manteau
d’un philosophe cynique, s’insinua dans la confiance de saint Grégoire, abusa
de l’opinion favorable qu’il lui avait inspirée, et par de sourdes pratiques
avec quelques évêques d’Égypte, il tâcha, au moyen d’une ordination
clandestine, de supplanter son protecteur, et d’obtenir le siège épiscopal de
Constantinople. Ces mortifications pouvaient bien faire regretter quelquefois
au missionnaire de Cappadoce sa solitude obscure et paisible ; mais il oubliait
ses peines en voyant augmenter tous les jours l’éclat de sa gloire et le nombre
de sa congrégation ; il observait avec satisfaction que la plus grande partie
de ceux qui composaient son nombreux auditoire, frappés de son éloquence [3171] , se retiraient
convaincus de l’irrégularité de leurs pratiques et de leurs principes religieux [3172] .
Le baptême et l’édit de Théodose remplirent d’une heureuse
confiance les catholiques de Constantinople, et ils attendirent avec impatience
l’effet de ses favorables promesses. Leur espoir ne tarda point à se réaliser :
dès que l’empereur eut terminé les opérations de la campagne, il fit son entrée
publique dams la capitale, à la tête de son armée victorieuse. Le lendemain de
son arrivée, il manda Damophile, et offrit à cet évêque arien la dure
alternative de souscrire à là foi de Nicée, ou de céder sur-le-champ à des
ecclésiastiques orthodoxes- son palais épiscopal, la cathédrale de
Sainte-Sophie et toutes les églises de Constantinople. Le zèle de Damophile,
qui, dans un pieux catholique eût été justement applaudi, choisit sans hésiter
l’exil et la pauvreté [3173] ,
et aussitôt après son départ on lit la cérémonie de la purification de la
ville. Les ariens se plaignirent, avec quelque apparence de raison, de ce
qu’une congrégation peu nombreuse s’emparait de cent églises qu’elle ne pouvait
pas remplir, tandis que tout le reste des citoyens se trouvait privé de
l’exercice public de son culte religieux. Théodose fut inexorable ; mais comme
les anges qui protégeaient le parti des catholiques n’étaient visibles qu’aux
yeux de la foi, il appuya prudemment ces légions célestes des secours efficaces
du glaive temporel, et un corps nombreux de ses gardes occupa l’église de
Sainte-Sophie. Si saint Grégoire était susceptible d’orgueil, il doit avoir
éprouvé une satisfaction bien vive, lorsque l’empereur le conduisit en triomphe
dans les rues, et le plaça respectueusement lui-même sur le trône
archiépiscopal de la
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