Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain
livres. Tout mon regret, si l’on trouve
quelque mérite dans mon travail, sera de ne pouvoir faire connaître précisément
combien est considérable la part qui lui en est due.
J’avais espéré pouvoir offrir aussi aux lecteurs, en tête de
cette édition, une Lettre sur la vie et le caractère de Gibbon , que
m’avait promise une amitié dont je m’honore. On trouvera à l’a suite de cette
Préface l’explication des raisons qui se sont opposées à l’entier
accomplissement de cette promesse. J’ai tâché d’y suppléer ; du moins en partie,
en employant scrupuleusement, dans la Notice destinée à remplacer cette Lettre,
les matériaux et les détails que m’a fournis celui qui avait bien voulu se
charger d’abord de les mettre en œuvre.
Il ne me reste plus qu’à dire un mot de la révision de la
traduction. Cette révision est l’ouvrage d’une personne qui me tient de trop
prés pour qu’il me soit permis de parler d’elle autrement que pour indiquer ce
qu’elle a fait. Plusieurs traducteurs avaient successivement concouru à
l’interprétation de l’ Histoire de la Décadence et de la Chute de l’Empire
romain ; leur manière avait été différente : dans les premiers
volumes, traduits avec beaucoup de soin et de peine, on reconnaissait à chaque
instant les efforts d’un homme qui cherche à tourner sa phrase avec élégance,
avec harmonie, et qui sacrifie à cette ambition l’énergie forte et serrée de
l’original, la concision de ses pensées et la vivacité de ses tours. Aussi
cette traduction coulante, et assez agréable à lire, n’offrait-elle qu’une bien
faible image du style plein et nerveux de l’écrivain anglais. Les volumes
suivants portaient surtout l’empreinte d’une précipitation extrême : des
passages, resserrés comme, si l’on n’eût voulu que les rendre plus courts, des
phrases dépouillées de ces détails qui en constituent la force et le
caractère ; quelquefois même des réflexions, retranchées çà et là ;
enfin des contresens, causés moins par l’ignorance de la langue anglaise que
par cette négligence inattentive qui croit avoir fait dès qu’elle a fini : tels
étaient les principaux défauts qu’il était nécessaire de corriger. On s’est
soigneusement appliqué à les faine disparaître, à rétablir constamment tout le
texte et le texte seul de l’Auteur, à rendre enfin à son style sa couleur
originale et particulière, dans les endroits même où une concision recherchée,
une brusquerie de transitions peu naturelle, une prétérition dangereuse à faire
entendre beaucoup plus que ne disent les mots, associent aux qualités du style
de Gibbon les inconvénients de ces qualités mêmes.
Un tel travail a dû nécessairement être long, minutieux et
difficile ; on ne peut guère, ce me semble, en méconnaître l’utilité.
Maintenant, si la traduction de l’ Histoire de la Décadence et de la Chute de
l’Empire romain est devenue fidèle, si on la lit sans peine et sans
embarras, si les notes qui y sont jointes servent à rectifier les idées de
l’Auteur et à engager les lecteurs à les examiner avant de les adopter sans
restriction, le but de l’Éditeur est rempli ; c’est tout ce qu’il désirait
et plus sans doute qu’il n’espère.
Nota .
On a laisse subsister dans cette nouvelle édition les mesures et les monnaies
anglaises, comme le mille, la livre sterling, etc. La réduction en mesurés et
en monnaies françaises eût entraîné des fractions incommodes, et ce travail a
paru peu nécessaire. 0n n’a pas touché lion plus aux divisions politiques de
l’Europe qui existaient du temps de Gibbon, ni aux remarques qui en sont
l’objet : les changements arrivés depuis vingt ans sont tels, qu’on n’aurait pu
en tenir compte qu’en multipliant beaucoup les notes, et ces notes n’auraient
rien appris aux lecteurs, qui, s’occupant des révolutions des siècles passés,
n’ont pas besoin qu’on les instruise de celles dont ils ont été lés témoins.
À l’éditeur
Vous avez désiré, Monsieur, que je vous communiquasse mes
idées sur Edouard Gibbon, et j’ai cédé un peu légèrement à l’invitation que
vous m’en avez faite. Vous avez pensé qu’ayant connu, personnellement cet
écrivain, je devais avoir sur sa personne et son caractère quelques vues que ne
pouvaient avoir ceux qui ne connaissaient que ses ouvrages. Je l’ai pensé comme
vous, et je n’ai été détrompé
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