Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain
des
Pyrénées. Le souverain de la Gaule et de la Bretagne, alarmé de cette révolte,
soudoya une armée de Barbares auxiliaires pour achever la conquête de
l’Espagne. On les distinguait par la dénomination d’ Honoriens , qui
semblait devoir leur rappeler la fidélité due au souverain légitime [3512] ; et si l’on
peut supposer que les Écossais furent entraînés par un sentiment de partialité
pour un prince breton, les Maures et les Marcomans n’avaient pas cette excuse ;
mais ils cédèrent aux profusions de l’usurpateur, qui, distribuait aux Barbares
les honneurs militaires et même les emplois civils de l’Espagne. Les neuf
bandes d’Honoriens, dont il est aisé de trouver la place dans l’état militaire
de l’empire d’Occident, n’excédaient pas le nombre de cinq mille hommes, et
cependant cette force peu redoutable suffit pour terminer une guerre qui avait
menacé la puissance et la sûreté de Constantin. L’armée rustique des parents de
Théodose fût environnée et détruite dans les montagnes vies Pyrénées. Deux des
frères eurent le bonheur de se réfugier par mer en Italie et en Orient : les
deux autres, après quelques délais, furent exécutés à Arles. Si Honorius
demeurait insensible aux calamités publiques, il dut peut-être au moins
déplorer le malheur particulier de ses généreux parents. Tels furent les faibles
moyens qui décidèrent à qui resterait la possession des provinces occidentales
de l’Europe, depuis le mur, d’Antonin jusqu’aux colonnes d’Hercule. Les
événements de la guerre et de la paix ont sans doute été rapetissés par les
écrivains de ces temps, dont les vues étroites et imparfaites ne s’étendaient
point sur les causes ni sur les effets des plus importantes révolutions ; mais
l’anéantissement des forées nationales avait détruit jusqu’à la dernière
ressource du despotisme, et le revenu des provinces épuisées ne pouvait plus
acheter le service militaire d’un peuple mécontent et pusillanime.
Le poète adulateur qui a attribué les victoires de Pollentia
et de Vérone à l’intrépidité des Romains, précipite sur l’armée d’Alaric,
fuyant hors de l’Italie, une horrible troupe de spectres enfantés par son
imagination, et placés en effet avec beaucoup de vraisemblance à la suite d’une
multitude de Barbares exténués par les fatigues, la famine et les maladies [3513] . Dans le cours
de cette expédition malheureuse, le roi des Goths doit avoir souffert une perte
considérable ; il lui fallut du temps pour recruter ses soldats harassés et
pour ranimer leur confiance. L’adversité avait donné au génie d’Alaric autant
d’éclat que d’exercice, et la renommée de sa valeur amenait sous ses drapeaux
les plus braves guerriers des Barbares, qui, depuis les bords de l’Euxin
jusqu’à ceux du Rhin, étaient enflammés de l’amour des conquêtes et du
brigandage. Alaric avait mérité l’estime de Stilichon, et accepta bientôt son
amitié. Renonçant au service d’Arcadius, il conclut avec la cour de Ravenne un
traité de paix et d’alliance par lequel l’empereur le déclarait maître général
des armées romaines dans toute la préfecture d’Illyrie, telle que le ministre
d’Honorius la réclamait selon les limites anciennes et véritables [3514] . L’irruption de
Radagaise semble avoir suspendu l’exécution de ce dessein ambitieux, stipulé ou
au moins inséré dans les articles du traité ; et l’on pourrait comparer la
neutralité du roi des Goths à l’indifférence de César, qui, dans la conjuration
de Catilina, refusa son secours et pour et contre l’ennemi de la république.
Après la défaite des Vandales, Stilichon renouvela ses prétentions sur les
provinces de l’Orient, nomma des magistrats civils pour l’administration de la
justice et des finances, et déclara qu’il lui tardait de conduire l’armée des
Romains et des Goths réunis aux portes de Constantinople. Cependant, la
prudence de Stilichon, son aversion pour les guerres civiles et sa parfaite
connaissance de la faiblesse de l’État, portent à croire que sa politique avait
plus en vue de conserver la paix intérieure que de faire des conquêtes, et que
son but principal était l’éloigner les forces d’Alaric de l’Italie. Ce dessein
n’échappa pas longtemps à la pénétration du roi des Goths, qui, continuant
d’entretenir une correspondance suspecte ou peut-être perfide avec les deux
cours rivales,
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