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Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Titel: Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Edward Gibbon
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soif dans une ville où les aqueducs d’Agrippa
distribuaient de tous côtés une si grande quantité d’eau pure et salutaire [3589] . Cette sobriété
sévère se relâcha insensiblement et, quoique le dessein qu’avait conçu la
libéralité d’Aurélien [3590] n’ait pas été exécuté, à ce qu’il parait, dans toute son étendue, on facilita
beaucoup l’usage général du vin. Un magistrat d’un rang distingué avait
l’administration des caves publiques, et une très grande partie des vendanges
de la Campanie était réservée pour les habitants de la capitale.
    Les admirables aqueducs, si justement célébrés par Auguste,
remplissaient les thermœ ou bains construits dans tous les quartiers de
la ville avec une magnificence impériale. Les bains de Caracalla, qui étaient
ouverts à des heures fixes pour le servile des sénateurs et du peuple
indistinctement, contenaient plus de seize cents sièges de marbre, et l’on en
comptait plus de trois mille dans les bains de Dioclétien [3591] . Les murs
élevés des appartements étaient couverts de mosaïques qui imitaient la peinture
par l’élégance du dessin et par la variété des couleurs. On y voyait le granit
d’Égypte artistement incrusté du précieux marbre vert de la Numidie. L’eau
chaude coulait sans interruption dans de vastes bassins, à travers de larges
embouchures d’argent massif, et le plus obscur des Romains pouvait, pour une
petite pièce de cuivre, se procurer tous les jours la jouissance d’un luxe
fastueux capable d’exciter l’envie d’un monarque asiatique [3592] . On voyait
sortir de ces superbes palais une foule de plébéiens sales et déguenillés, sans
manteau et sans souliers qui vaguaient toute la journée dans les rues ou dans
le Forum pour apprendre des nouvelles, ou pour s’y quereller, qui perdaient
dans un jeu extravagant ce qui aurait dû faire subsister leur famille, et
passaient la nuit dans des tavernes ou dans des lieux infâmes, livrés aux excès
de la plus grossière débauche [3593] .
    Mais les amusements les plus vifs et les plus brillants de
cette multitude oisive étaient les jeux du Cirque et les spectacles. La piété des
princes chrétiens avait supprimé les combats de gladiateurs, mais les habitants
de Rome, regardaient encore le Cirque comme leur demeure, comme leur temple, et
comme le siège de la république. La foule impatiente courait, avant le jour
pour en occuper les places ; et, quelques-uns même passaient la nuit avec
inquiétude sous les portiques des environs. Depuis le levé de l’aurore jusqu’à
la nuit, les spectateurs, quelquefois au nombre de trois ou quatre mille,
indifférents à la pluie ou à l’ardeur du soleil, restaient les yeux fixés avec
une aride attention sur les chars et sur leurs conducteurs, et l’air
alternativement agitée de crainte et d’espérance pour le succès de la couleur à
laquelle ils s’étaient attachés. A les voir, on aurait pu penser que l’événement
d’une course devait décider du destin de la république [3594] . Ils n’étaient
pas moins impétueux dans leurs clameurs et dans leurs applaudissements, soit
qu’on leur donnât le plaisir d’une chasse d’animaux sauvages, ou de quelque
pièce de théâtre. Dans les capitales modernes, les représentations théâtrales
peuvent être considérées comme l’école du bon goût et quelquefois de la
vertu ; mais la muse tragique et comique des Romains, qui n’aspirait guère
qu’à l’imitation du génie attique [3595] ,
était presque condamnée au silence depuis la chute de la république [3596]  ; et la
scène fut occupée alors par des farces indécentes, une musique efféminée, ou
par le spectacle d’une vaine pompe. Les pantomimes [3597] , qui soutinrent
leur réputation depuis le temps d’Auguste jusqu’au sixième siècle, exprimaient,
sans parler, les différentes fables des dieux de l’antiquité ; et la perfection
de leur art, qui désarmait quelquefois la sévérité du philosophe, excitait
toujours les applaudissements de la multitude. Les vastes et magnifiques théâtres
de Rome avaient toujours à leurs gages trois mille danseuses et autant de
chanteuses, avec les maîtres des différents chœurs. Telle était la faveur dont
elles jouissaient, que, dans un temps de disette, le mérite d’amuser le peuple
les fit excepter d’une loi qui bannissait tous les étrangers de la capitale, et
qui fut si strictement exécutée, que les maîtres des arts

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