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Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Titel: Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Edward Gibbon
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Lutrin [3573] jusqu’à
leurs magnifiques maisons de campagne situées sur la côte maritime de Puteoli
ou de Cayète [3574] ,
ils comparent ces pénibles travaux aux marches de César et d’Alexandre. Si
cependant une manche se hasarde à se poser sur les rideaux de soie de leurs
pavillons dorés, si un pli mal fermé laisse passer un rayon de soleil, ils
déplorent le malheur de leur situation, et se lamentent, dans un langage
affecté, de n’être point nés dans le pays des Cimmériens [3575] , séjour
d’éternelle obscurité. Dans ces voyages à la campagne, le maître est suivi de
toute sa maison [3576] ; et, de même que dans la marche d’une armée les généraux font les
dispositions pour la cavalerie et pour l’infanterie, pour l’avant et l’arrière-garde,
les officiers domestiques, portant en main une baguette, symbole de leur
autorité, distribuent et rangent la nombreuse suite des serviteurs et des
esclaves. Le bagage et la garde-robe marchent en tête, ensuite une foule de
cuisiniers avec tous les subordonnés employés au service de la cuisine et de la
table. Le corps de bataille est composé des esclaves, et grossi par la foule
des plébéiens oisifs ou des clients qui sont venus s’y mêler. Une bande
d’eunuques choisis, forment l’arrière-garde ; ils sont rangés par ordre, d’âge
depuis les plus vieux jusqu’aux plus jeunes. Leur nombre et leur difformité
font éprouver un motif d’horreur et d’indignation ; et les spectateurs
maudissent la mémoire de Sémiramis, qui inventa l’art cruel de mutiler la nature,
et de détruire, dès sa naissance, l’espoir de la génération suivante. Dans
l’exercice de la juridiction domestique, les nobles de Rome montrent la plus
délicate sensibilité pour toute injure qui leur est personnelle, et une
indifférence dédaigneuse pour tout le reste du genre humain. Demandent-ils un
vase d’eau chaude, si l’esclave tarde à l’apporter, trois cents coups de fouet
le corrigent de sa lenteur ; mais si ce même esclave commet un meurtre
volontaire, son maître observe avec douceur que c’est un fort mauvais sujet, et
l’avertit que s’il récidive, il le fera punir comme il le mérite. Les Romains
exerçaient autrefois la vertu de l’hospitalité : tout étranger, soit que ses
titres fussent fondés sur le mérite ou sur le malheur, obtenait de leur générosité
secours ou récompense. Qu’on introduise aujourd’hui un étranger, même d’une
condition honnête, chez un de nos riches et orgueilleux sénateurs il sera, à la
vérité, bien reçu à sa première visite, et même avec de si vives protestations
d’amitié et des questions si obligeantes, qu’il se retirera enchanté de
l’affabilité de son illustre ami, et désolé peut-être d’avoir différé si
longtemps son voyage à la capitale, le centre de la politesse aussi bien que de
l’empire. Assuré d’une réception gracieuse, il répète le lendemain sa visite,
et s’aperçoit avec mortification que le sénateur a déjà oublié sa personne, son
nom et son, pays. S’il a le courage de persévérer, il se trouve insensiblement
classé dans le nombre des clients, et obtient la stérile permission de faire
assidûment et inutilement sa cour à un patron également incapable de
reconnaissance et d’amitié, qui daigne à peine remarquer sa présence, son
départ ou son retour. Lorsque les hommes opulents préparent une fête publique
et populaire [3577] ,
lorsqu’ils célèbrent avec un luxe et une profusion pernicieuse leurs banquets
particuliers ; le choix des convives est l’objet d’une longue et pénible
délibération. Les citoyens sobres, savants ou modestes, obtiennent rarement la
préférence ; et les nomenclateurs, presque toujours dirigés par des motifs
intéressés, insèrent adroitement dans la liste de l’invitation les noms obscurs
des plus méprisables citoyens ; mais les compagnons les plus familiers des
grands, ceux qu’ils chérissent le plus, ce sont ces parasites qui pratiquent
effrontément le plus utile de tous les métiers, celui de l’adulation, qui
applaudissent avec vivacité à chaque action, à chaque parole de leur immortel
patron, qui contemplent avec ravissement les colonnes de marbre, les couleurs
variées du pavé des appartements, et qui font continuellement l’éloge d’un
faste et d’une élégance que celui auquel ils l’adressent est accoutumé à
considérer comme une partie de son mérite personnel. Aux tables

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