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Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Titel: Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Edward Gibbon
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les
douze principales portes, intercepta toute communication avec les campagnes
environnantes, et, fermant soigneusement la navigation du Tibre, priva les
Romains de la seule ressource qui pût, maintenir l’abondance en leur procurant
de nouvelles provisions. La noblesse et le peuple romain éprouvèrent d’abord un
mouvement de surprise et d’indignation, en voyant un vil Barbare insulter à la
capitale du monde ; mais le malheur abattit leur fierté. Trop lâches pour
entreprendre de repousser un ennemi armé, ils exercèrent leurs fureurs sur une
victime innocente et sans défense. Peut-être les Romains auraient-ils respecté
dans la personne de Sérène la nièce du grand Théodose, la tante et la mère
adoptive de l’empereur régnant ; mais ils détestaient la veuve de Stilichon, et
ils adoptèrent avec une fureur crédule la calomnie qui accusait cette princesse
d’entretenir une correspondance criminelle avec le monarque des Goths. Les
sénateurs, séduits ou entraînés malgré eux par la frénésie populaire,
prononcèrent l’arrêt de sa mort sans exiger aucune preuve de son crime. Sérène
fuit ignominieusement étranglée ; et la multitude aveuglée s’étonna de ce que
cette inique cruauté n’opérait pas sur-le-champ la délivrance de Rome et la
retraite des Barbares. La disette commençait à se faire sentir dans la capitale,
et ses malheureux habitants éprouvèrent bientôt toutes les horreurs de la
famine. La distribution du pain fut réduite de trois livres à une demi-livre,
ensuite à un tiers de livre, et enfin à rien ; le prix du blé s’élevait avec
rapidité et dans une proportion exorbitante ; les citoyens indigents, hors
d’état de se procurer les moyens de subsister, se voyaient réduits à solliciter
les secours précaires de la charité des riches. L’humanité de Lœta [3608] , veuve de
l’empereur Gratien, qui avait fixé sa résidence à Rome, adoucit quelque temps
la misère publique, et consacra au soulagement de l’indigence l’immense revenu
que les successeurs de son mari payaient à la veuve de leur bienfaiteur ; mais
ces charités particulières ne suffirent pas longtemps aux besoins d’un grand
peuple, et la calamité publique s’étendit jusque dans les palais de marbre des
sénateurs eux-mêmes. Les riches des deux sexes, élevés dans les jouissances du
luxe, apprirent alors combien peu demandait réellement la nature ; et ils prodiguèrent
leurs inutiles trésors pour obtenir quelques aliments grossiers, dont, en des
temps plus heureux, ils auraient dédaigneusement détourné leurs regards. La
faim, tournée en rage, se disputait avec acharnement et dévorait avec avidité
les aliments les plus faits pour révolter les sens et l’imagination, la
nourriture la plus malsaine et même la plus pernicieuse. On a soupçonné
quelques malheureux, devenus féroces dans leur désespoir, d’avoir secrètement
massacré d’autres hommes pour satisfaire avidement leur faim dévorante ; et des
mères, dit-on, (quel dut être le combat affreux des deux plus puissants
instincts que la nature ait placés dans le cœur humain !), se nourrirent de la
chair de leurs enfants égorgés [3609] .
Des milliers de Romains expirèrent d’inanition dans leurs maisons et dans les
rues. Comme les cimetières publics, situés hors de la ville, étaient au pouvoir
de l’ennemi, la puanteur qui s’exhalait d’un si grand nombre de cadavres restés
sans sépulture infecta l’air ; et une maladie contagieuse et pestilentielle
suivit et augmenta les horreurs de la famine. Les assurances répétées que
donnait la cour de Ravenne de l’envoi d’un prompt et puissant secours,
soutinrent quelque temps le courage défaillant des habitants de Rome. Privés
enfin de toute espérance de secours humains, ils furent séduits par l’offre
d’une délivrance surnaturelle. Les artifices ou la superstition de quelques
magiciens toscans avaient persuadé à Pompeïanus, préfet de la ville, que, par
la force mystérieuse des conjurations et des sacrifices, ils pouvaient extraire
la foudre des nuages et lancer ces feux célestes dans le camp des Barbares [3610] . On communiqua
cet important secret à Innocent, évêque de Rome ; et le successeur de saint
Pierre est accusé, peut-être sans fondement, de s’être relâché, pour le salut
de la république de la sévérité des règles du christianisme : mais lorsqu’on
agita cette question dans le sénat ; lorsqu’on exigea comme une

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