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Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Titel: Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Edward Gibbon
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les entreprises des Barbares. Leurs vastes États
s’étendaient depuis le Tigre jusqu’à la mer Adriatique ; et l’intervalle de
vingt-cinq jours de navigation, qui séparait les glaces de la Scythie, et la
brûlante Éthiopie [3726] ,
se trouvait enclavé dans les limites de l’empire d’Orient. Les populeuses
provinces de cet empire étaient le siège des sciences et des arts, du luxe et
de l’opulence ; et leurs habitants, qui avaient adopté le langage et les mœurs
de la Grèce, se regardaient, avec quelque apparence de justice, comme la
portion la plus civilisée et la plus éclairée de l’espèce humaine. La forme du
gouvernement était absolument monarchique ; le nom de république romaine ,
longue et faible tradition de l’ancienne liberté, avait été laissé aux provinces
latines. Les souverains de Constantinople ne mesuraient leur grandeur, que par
l’obéissance servile de leurs sujets. Ils ignoraient combien cette soumission
passive énerve et dégrade toutes les facultés de l’âme. Des hommes qui avaient
abandonné la direction de leur volonté aux ordres absolus d’un maître, étaient
également incapables de défendre leur vie et leur fortune contre les Barbares,
et de préserver leur raison des terreurs de la superstition.
    Les premiers événements du règne d’Arcadius et d’Honorius
sont liés si intimement, que la révolte des Goths et la chute de Rufin ont déjà
occupé une place dans l’histoire de l’empire d’Occident. On a déjà observé
qu’Eutrope [3727] ,
un des principaux eunuques du palais de Constantinople, succéda à l’orgueilleux
ministre dont il avait précipité la chute, et dont il imita bientôt les vices.
Tous les ordres de l’État se prosternaient devant le nouveau favori, et leur
bassesse l’encourageait à mépriser non seulement les lois, mais encore les
usages de la nation, ce qui est infiniment plus difficile et plus dangereux.
Sous le plus faible des prédécesseurs d’Arcadius, le règne des eunuques avait
été secret et presque invisible. Ils s’insinuaient dans la confiance de leur
maître ; mais leurs fonctions ostensibles se renfermaient dans le service
domestique de la personne de l’empereur. Ils pouvaient, par leurs secrètes
insinuations, diriger les conseils publics, et détruire, par leurs perfides
manœuvres, la fortune et la réputation des plus illustres citoyens ; mais ils n’avaient
jamais osé se montrer à la tête du gouvernement [3728] , et profaner
les dignités de l’État. Eutrope fût le premier de cette espèce dégradée qui ne
craignit point de se revêtir du caractère respectable de général et de
magistrat [3729] .
Quelquefois, en présence du sénat rougissant de honte, il montait sur le
tribunal pour prononcer ou des jugements ou des harangues taillées. Dans
d’autres occasions, il paraissait sur son cheval à la tête des légions’, vêtu
et arme comme un héros. Le mépris de la décence et des usagés décèle toujours
un esprit faible et déréglé ; et il ne parait pas qu’Eutrope ait compensé
l’extravagance de ses entreprises par un mérite supérieur ou par l’habileté de
l’exécution. Les occupations de sa vie ne lui avaient permis ni l’étude des
lois ni les exercices militaires ; ses gauches essais excitaient le mépris des
spectateurs. Les Goths exprimaient leurs vœux pour que les armées romaines
fussent toujours commandées par un semblable général ; et le nom du ministre
était chargé d’un ridicule plus dangereux que la haine pour la réputation d’un
homme public. Les sujets d’Arcadius se rappelaient avec indignation que cet
eunuque difforme et décrépit [3730] ,
qui voulait si ridiculement singer I’homme, était né dans la servitude la plus
abjecte ; qu’avant d’entrer dans le palais impérial, il avait été
successivement acheté et revendu par un grand nombre de maîtres qui avaient
employé le temps de sa vigueur et de sa jeunesse aux offices les plus bas et
les plus infâmes, et dont le dernier l’avait enfin rendu à la liberté et à la
misère [3731] .
Tandis que ces détails honteux et peut-être exagérés faisaient le sujet des
conversations publiques, on prodiguait à la vanité du favori les honneurs les
plus extraordinaires. Dans le sénat, dans la capitale et dans les provinces, on
élevait les statues d’Eutrope en marbre et en bronze ; elles étaient décorées
des symboles de ses vertus civiles et militaires, et de pompeuses

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