Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain
pouvait résister au conquérant ambitieux qui voulait tout
envahir, par une alliance solide et sincère de toutes les puissances qu’il
s’efforçait d’accabler. Avitus anima le ressentiment des Goths par la
description de tous les maux que les Huns avaient fait souffrir à leurs
ancêtres, et de la fureur avec laquelle ils les poursuivaient depuis le Danube
jusqu’au pied des Pyrénées ; il leur représenta fortement que le devoir de tous
les chrétiens était de contribuer à sauver de leurs violences sacrilèges les
églises et les reliques des saints ; qu’il était de l’intérêt personnel de tous
les Barbares fixés dans la Gaule de défendre, contre les pâtres de la Scythie,
les terres et les vignes cultivées pour leur usage. Théodoric se rendit à
l’évidence de la vérité, adopta les mesures les plus sages et les plus
honorables, et déclara que, comme le fidèle allié d’Ætius et des Romains, il
était prêt à exposer sa vie et ses États pour la défense de la Gaule [3949] . Les Visigoths,
alors au plus haut point de leur puissance et de leur renommée, obéirent avec
joie au premier signal de guerre, préparèrent leurs chevaux et leurs armes, et
s’assemblèrent sous l’étendard de leur vieux monarque, qui résolût de commander
lui-même son armée avec les deux aînés de ses fils, Torismond et Théodoric.
L’exemple des Goths détermina des tribus et des nations qui balançaient encore
entre les Huns et les Romains. L’infatigable Ætius rassembla peu à peu les
guerriers de la Gaule et de la Germanie, qui, après s’être longtemps reconnus
les sujets et les soldats de la république, prétendaient au rang d’alliés
indépendants, et réclamaient les récompenses dues à un service volontaire. Les
Læti, les Armoricains, les Bréones, les Saxons, les Bourguignons, les Sarmates
ou Alains, les Ripuaires, et les Francs, qui obéissaient à Mérovée : telle
était la composition de l’armée qui, sous la conduite d’Ætius et de Théodoric,
s’avançait à marches pressées, pour délivrer Orléans, et livrés bataille à la
multitude formidable qui environnait Attila [3950] .
A leur arrivée, le roi des Huns leva le siége et fit sonner
la retraite pour rappeler la plus grande partie de ses troupes, occupées alors
au pillage d’une ville voisine dans laquelle elles venaient d’entrer [3951] . Attila, dont
la valeur était toujours guidée par la prudence, sentit ce qu’il aurait à
craindre s’il essuyait une défaite au cœur de la Gaule. Il repassa la Seine et
attendit l’ennemi dans les plaines de Châlons où sa nombreuse cavalerie pouvait
manœuvrer avec avantage ; mais, dans sa retraite précipitée, l’avant-garde des
Romains et de leurs alliés pressait et attaquait fréquemment les troupes qui
formaient l’arrière-garde d’Attila. Dans, l’obscurité de la nuit et dans des
chemins inconnus, des colonnes ennemies se rencontraient quelquefois sans
projet ; et le combat sanglant des Francs et des Gépides, dans lequel quinze
mille barbares perdirent la vie [3952] ,
fût le prélude d’une action générale et décisive. Les champs catalauniens [3953] , qui
environnent la ville de Châlons, s’étendent, selon la mesure vague de
Jornandès, à cent cinquante milles en longueur, à cent milles en largeur, et
comprennent toute la province connue aujourd’hui sous le nom de Champagne [3954] . Dans cette
vaste plaine, il se trouvait cependant quelque inégalité de terrain, et les
deux généraux se disputèrent une éminence qui commandait le camp d’Attila, et
dont ils sentaient toute l’importance. Le jeune et vaillant Torismond l’occupa
le premier, et les Goths en précipitèrent les Huns, qui s’efforçaient de monter
du côté opposé. La possession de ce poste avantageux donna aux généraux et aux
soldats une espérance fondée de la victoire. Attila inquiet consulta les
aruspices ; on assure qu’après avoir examiné les entrailles et raclé les os
des victimes, ils lui annoncèrent, dans un langage mystérieux, sa défaite et la
mort de son plus redoutable ennemi ; et que le Barbare, en acceptant l’augure,
témoigna involontairement son estime pour le mérite supérieur d’Ætius ; mais le
découragement qu’Attila aperçut parmi les Huns, l’engagea à user de l’expédient
si familier aux généraux de l’antiquité, d’animer leurs troupes par une
harangue militaire : il leur parla comme un héros qui avait souvent
combattu
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