Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain
des alliés, formé de troupes faibles et peu affectionnées,
séparèrent les deux ailes et, se tournant sur la gauche avec rapidité, dirigèrent
tous leurs efforts contre les Visigoths. Tandis que Théodoric galopait devant
les rangs pour animer ses soldats ; il tomba de son cheval mortellement blessé
d’un javelot lancé par Andage, Ostrogoth d’une naissance illustre. Dans ce
moment de désordre, le monarque blessé fut accablé sous la foule des
combattants et foulé aux pieds des chevaux de sa propre cavalerie ; et sa mort
servit à justifier l’oracle ambigu des aruspices. Attila s’enorgueillissait
déjà des espérances de la victoire, lorsque le vaillant Torismond descendit des
hauteurs et vérifia le reste de la prédiction. Les Visigoths, qui avaient été
mis en désordre par la fuite, reprirent peu à peu leur ordre de bataille ; et
les Huns furent inévitablement vaincus, puisque Attila fut forcé de faire
retraite. Il s’était exposé avec la témérité d’un soldat ; mais les intrépides
Barbares qui composaient son corps de bataille s’étaient avancés fort loin du
reste de la ligne ; cette attaque, faiblement soutenue par leurs confédérés,
mit leurs flancs à découvert. L’approche de la nuit sauva seule d’une défaite
totale les conquérants de la Scythie et de la Germanie. Ils se retirèrent
derrière le rempart de chariots qui composait les fortifications de leur camp.
La cavalerie mit pied à terre, et se prépara à un genre de combat qui ne
convenait ni à ses armes ni à ses habitudes. L’événement était incertain ; mais
Attila s’était réservé une dernière et honorable ressource. Il fit faire une
pile des selles et des riches harnais des chevaux, et l’intrépide Barbare
résolut, si son camp était forcé, d’y mettre le feu, de s’y précipiter, et de
priver les ennemis de la gloire d’avoir Attila dans leur puissance, durant sa
vie ou après sa mort [3957] .
Mais ses ennemis ne passèrent pas la nuit plus
tranquillement. La valeur imprudente de Torismond lui fit continuer la
poursuite jusqu’à ce qu’enfin, suivi d’un petit nombre de guerriers, il se
trouva au milieu des chariots des Scythes. Dans le tumulte d’un combat
nocturne, il fut jeté en bas de son cheval, et le fils de Théodoric aurait
éprouvé le sort de son père, si sa vigueur et le zèle de ses soldats ne
l’avaient tiré de cette dangereuse situation. Sur la gauche, Ætius, séparé de
ses alliés, incertain de la victoire et inquiet de leur sort, rencontra de même
des troupes d’ennemis répandues dans la plaine de Châlons, et, étant parvenu à
leur échapper, il atteignit enfin le camp des Visigoths, qu’il ne put garnir
que d’un petit nombre de troupes, en attendant le retour de la clarté. Au point
du jour, le général romain ne douta plus de la défaire d’Attila, qui restait
enfermé dans ses retranchements ; et en contemplant le champ de bataille, il
aperçut, avec une secrète satisfaction, que la plus forte perte était tombée
sur les Barbares. On trouva, sous un monceau de morts le corps, de Théodoric
percé d’honorables blessures. Ses sujets le pleurèrent comme leur roi et comme
leur père ; mais, leurs larmes étaient mêlées des chants de là victoire, et
Théodoric fut enterré à la vue de l’ennemi vaincu. Les Goths, frappant leurs
armes les unes contre les autres, élevèrent sur un bouclier, son fils aîné
Torismond, à qui ils attribuaient avec raison tout l’honneur de la journée ; et
le devoir de la vengeance devint pour le nouveau roi une portion sacrée de
l’héritage paternel. Cependant, les Goths eux-mêmes sentaient leur courage
s’étonner de la contenance fière et terrible qu’avait conservée leur redoutable
adversaire. Leur historien a comparé le roi des Huns un lion dans sa caverne,
menaçant avec un redoublement de rage les chasseurs dont il est environné. Les
rois et les nations qui, au moment de sa défaite, auraient pu déserter ses
étendards, sentaient que de tous les dangers, le plus à craindre pour eux et le
plus inévitable était la colère d’Attila. Son camp retentissait du bruit de ses
instruments guerriers, dont les sons animés ne cessaient de défier les ennemis
; et les premières troupes qui entreprirent dd forcer ses retranchements furent
repoussées ou détruites par une grêle de traits lancés sur elles de toutes
parts. On résolut, dans un conseil de guerre, d’assiéger le roi des Huns dans
son
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