Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain
Odoacre ramena en Italie
une colonne nombreuse de captifs et d’hommes libres ; et Rome, après une longue
suite de disgrâces, put s’enorgueillir du triomphe de son roi barbare [4126] .
Malgré la prudence et les succès d’Odoacre, son royaume
offrait de toutes parts la misère et la désolation. Dès le siècle de Tibère, on
s’était plaint en Italie de la de carence de l’agriculture ; et les Romains,
forcés de tirer leur subsistance des provinces éloignées, la voyaient avec
inquiétude dépendre des accidents de la mer et des vents [4127] ; mais lorsque,
dans le déclin et la division de l’empire, Rome se vit enlever le tribut des
moissons de l’Afrique et de l’Égypte ; ses habitants diminuèrent avec les
moyens de subsistance, et, la population fut engloutie par les fléaux de la
guerre, de la famine et de la contagion [4128] ; Saint Ambroise a déploré, la ruine d’un district florissant, qui comptait au
nombre de ses villes Bologne, Modène, Reggio et Plaisance [4129] ; le pape
Gélase, sujet d’Odoacre, affirme, à la vérité avec beaucoup d’exagération, que
la province Æmilienne, la Toscane et les provinces voisines étaient presque
entièrement dépeuplées [4130] .
Les plébéiens de Rome, accoutumés à recevoir leur subsistance des empereurs,
périrent ou disparurent dès que, cette libéralité fut supprimée. Le déclin des
arts réduisit les citoyens industrieux à l’oisiveté et à la misère ; et les
sénateurs, qui auraient peut-être contemplé avec indifférence la destruction de
leur patrie, ne s’accoutumaient point à la perte de leurs richesses
personnelles. De ces vastes domaines considérés comme la crase originaire de la
ruine de l’Italie [4131] ; un tiers passa entre les mains des conquérants. Aux injustices on ajoutait
l’insulte. La crainte, de l’avenir aggravait les Daru présents ; et, comme on
accordait des terres à tons les nouveaux essaims de Barbares, les sénateurs
tremblaient de voir les arpenteurs s’approcher de leur meilleure ferme ou de
leur maison de campagne favorite. Les moins malheureux étaient sans doute ceux
qui se soumettaient sans murmure à un pouvoir auquel il était impossible de
résister puisqu’ils désiraient de vivre, ils devaient une certaine
reconnaissance au tyran qui leur permettait d’exister ; et puisqu’il était le
maître absolu de leur fortune, la portion qu’il ne leur enlevait pas devait
être considérée comme un don de sa générosité [4132] . Odoacre
s’était solennellement engagé, pour prix de son élévation, à satisfaire aux
demandes d’une multitude turbulente et licencieuse ; mais sa prudence et son
humanité adoucirent le sort de l’Italie. Les rois des Barbares furent souvent
peu obéis ; souvent même déposés ou assassinés par leurs sujets naturels ; et
les bandes d’Italiens mercenaires qui s’e réunissaient sous un chef de leur
choix, prétendaient avoir plus de droits encore au butin et à la licence. Une
monarchie sans union nationale et sans droit héréditaire, tendait rapidement,
vers sa dissolution. Après un règne de quatorze ans, Odoacre fut forcé de céder
à la supériorité du génie de Théodoric, roi des Ostrogoths, héros qui possédait
les talents militaires et les vertus d’un législateur, qui fit renaître des
jours de paix et de prospérité, et dont le nom excite et mérite également
l’attention du genre humain.
CHAPITRE XXXVII
Origine, progrès et effets de la vie monastique. Conversion des Barbares au
christianisme et à l’arianisme. Persécution des Vandales en Afrique. Extinction
de l’arianisme parmi les Barbares.
LES affaires du clergé ont eu avec les événements du monde
une si étroite liaison, que je n’ai pu me dispenser de raconter les progrès,
les persécutions, l’établissement, les divisions, le triomphe et la corruption
graduelle du christianisme. J’ai différé à dessein toute réflexion sur deux
objets intéressants dans l’étude de l’esprit humain, et qui influèrent sur le
déclin et sur la chute de l’empire romain : 1° l’institution de la vie
monastique [4133] ,
et 2° la conversion des Barbares du Nord.
I . La paix et la prospérité introduisirent la
distinction de simples chrétiens et de chrétiens ascétiques [4134] . La multitude
se contentait d’une pratique imparfaite et relâchée. Le prince, le magistrat,
le militaire et le marchand, accommodaient leur foi et leur zèle à l’exercice
de leurs
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