Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Titel: Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Edward Gibbon
Vom Netzwerk:
professions, à leurs intérêts ou à leurs passions ; mais les
ascétiques, qui suivaient à la rigueur les principes de l’Évangile dont ils abusaient,
se représentaient dans leur enthousiasme sauvage l’homme comme un criminel, et
Dieu comme son tyran. Ils renonçaient aux affaires et aux plaisirs,
s’interdisaient l’usage du vin, de la viande, et l’union légitime des deux
sexes ; mortifiaient leur corps et leurs affections, et faisaient d’une vie de
misère le prix auquel ils espéraient obtenir une félicité éternelle. Sous le
règne de Constantin, les ascétiques se retirèrent d’un monde profane et
corrompu, pour vivre solitaires ou former des sociétés religieuses [4135] . À l’exemple
des premiers chrétiens de Jérusalem, ils abandonnèrent l’usage ou la propriété
de leurs possessions temporelles, instituèrent pour chaque sexe des communautés
régulières et formées sur un même modèle, et prirent les noms d’ermites, de
moines ou d’anachorètes, propres à désigner leur vie retirée et le choix qu’ils
faisaient d’un désert, soit naturel, soit factice. Ils obtinrent  bientôt le
respect du monde qu’ils méprisaient ; et l’on prodigua les plus hautes louanges
à une philosophie divine [4136] ,
qui, sans le secours de la science où de l’étude surpassait les laborieuses
vertus enseignées dans les écoles de la Grèce. Les moines pouvaient à la vérité
disputer aux stoïciens le mépris de la fortune, de la douleur ou de la mort. On
vit renaître dans cette discipline assujettissante le silence et la soumission
des disciples de Pythagore ; et les moines se montrèrent aussi fermes que les
cyniques eux-mêmes dans le mépris des usages et de la décence de la société.
Mais les prosélytes de cette philosophie divine aspiraient à imiter un modèle
plus pur et plus parfait ; ils marchaient sur les traces des prophètes qui
s’étaient retirés dans le désert [4137] ,
et ils ramenèrent la vie de dévotion contemplative, instituée par les esséniens
dans l’Égypte et dans la Palestine. Le philosophe Pline avait contemplé avec
étonnement un peuple de solitaires qui habitaient parmi les palmiers de la mer
Morte, qui subsistaient sans argent, qui se perpétuaient sans femmes, et que le
dégoût ou le repentir recrutaient continuellement d’associes volontaires [4138] .
    L’Égypte, mère féconde de toutes les superstitions, donna
l’exemple de la vie monastique [4139] .
Antoine, jeune homme sans éducation, né dans la Basse-Thébaïde [4140] , distribua son
patrimoine [4141] ,
abandonnant jeune sa famille et son pays, et exécuta sa pénitence monastique
avec toute l’intrépidité et la singularité du fanatisme. Après un noviciat long
et pénible au milieu des tombeaux et dans les ruines d’une tour, il s’avança
hardiment à trois journées dans le désert à l’orient du Nil, découvrit un
endroit solitaire, ombragé d’arbres et arrosé par un ruisseau, et fixa sa
dernière résidence sur le mont Colzim, aux environs de la mer Morte, où un
ancien monastère conserve encore le nom et la mémoire de saint Antoine [4142] . La dévotion et
la curiosité des Chrétiens le poursuivirent dans le désert [4143] , et lorsque le
saint fut obligé de paraître à Alexandrie, il soutint sa réputation avec autant
de dignité que de modestie. Il obtint l’amitié de saint Athanase, dont il
approuvait la doctrine, et le paysan d’Égypte refusa une invitation
respectueuse de l’empereur Constantin. Saint Antoine, dans sa vieillesse, qui
se prolongea jusqu’à l’âge de cent cinq ans, vit le prodigieux accroissement de
cette postérité monastique formé par son exemple et par ses leçons. De fécondes
colonies de moines se multipliaient rapidement dans les sables de la Libye, sur
les rochers de la Thébaïde et dans les villes voisines du Nil. Au sud
d’Alexandrie, la montagne voisine et le désert étaient, habités par cinq mille
anachorètes, et les voyageurs peuvent apercevoir encore les ruines de cinquante
monastères élevés sur ce sol stérile par les disciples de saint Antoine [4144] . Saint Pachôme
et quatorze cents de ses frères occupaient l’île de Tabenne, dans la
Haute-Thébaïde [4145] .
Ce saint abbé fonda, successivement neuf communautés d’hommes et une de femmes,
et il se rassemblait quelquefois aux fêtes de Pâques cinquante mille religieux
ou religieuses, tous soumis à la règle angélique [4146] . La ville riche
et

Weitere Kostenlose Bücher