Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain
Fanatique jusqu’à sa dernière
heure, il fit faire à son successeur le serment de ne jamais tolérer les
disciples de saint Athanase ; mais Hilderic, fils compatissant du sauvage
Hunneric préféra les devoirs de la justice et de l’humanité à l’obligation d’un
vœu impie, et son règne ramena la paix et la liberté. Son cousin Gelimer, arien
zélé, usurpa le trône de ce souverain vertueux, mais faible ; mais
Bélisaire l’en fit descendre et détruisit la monarchie des Vandales avant que
leur nouveau souverain eût pu jouir ou abuser de son pouvoir ; et le parti
orthodoxe se vengea de ses souffrances [4224] .
Les déclamations violentes des catholiques, les seuls qui
aient écrit l’histoire de cette persécution, ne présentent ni le
tableau suivi des causes et des événements, ni aucune vue impartiale sur le
caractère et les projets de ceux qui l’ont excitée. Les faits qui méritent la
confiance ou l’attention peuvent se réduire aux articles suivants : 1°
Dans une loi d’Hunneric, qu’on peut encore trouver [4225] , il déclare et,
à ce qu’il parait avec vérité, avoir transcrit littéralement les règlements et
les punitions prononcés par les édits impériaux contre les assemblées des
hérétiques, contre le clergé et les sujets qui rejetaient la religion établie.
Si l’équité avait pu se faire entendre, les catholiques auraient été forcés de
condamner leur propre conduite passée ou d’approuver la sévérité dont ils
étaient les victimes ; mais ils persistaient à refuser aux autres l’indulgence
qu’ils réclamaient pour eux-mêmes. Au même moment où ils tremblaient, sous la
verge de la persécution, ils vantaient la louable sévérité avec laquelle
Hunneric faisait brûler vifs ou bannissait un grand nombre de manichéens [4226] , et refusaient
avec horreur l’offre de laisser jouir les disciples d’Arius et de saint
Athanase à une liberté égale et réciproque dans les États des Romains et des
Vandales [4227] .
2° On se servit, contre les catholiques, de la pratique des conférences dont
ils avaient fait si souvent usage eux-mêmes pour insulter ou punir
l’obstination de leurs adversaires [4228] .
Hunneric fit assembler à Carthage quatre cent soixante-six évêques orthodoxes ;
mais en entrant dans la saille d’audience, ils eurent la mortification
d’apercevoir saint Cyrille l’arien assis sur le trône patriarcal. Les deux
partis se séparèrent après s’être reproché mutuellement et comme à l’ordinaire,
et leurs bruyantes clameurs, et le silence qu’ils gardaient sur certaines
questions et les délais et la précipitation qu’ils s’accusaient tour à tour et
réciproquement d’apporter leurs mesures, et l’appui qu’ils cherchaient ou dans
la force militaire ou dans la faveur du peuple. On choisit parmi les évêques
orthodoxes un martyr et un confesseur. Vingt-huit prirent la fuite, et
quatre-vingt huit cédèrent. Quarante-six furent envoyés en Corse travailler
dans les forêts pour le service de la marine royale, trois cent deux frirent
bannis en différents cantons de l’Afrique, exposés aux insultes de leurs
ennemis et privés soigneusement de tous secours spirituels et temporels [4229] . Les
souffrances de dix ans d’exil réduisirent sans doute leur nombre ; et s’ils
eussent observé la loi de Thrasimond, qui défendait les consécrations
épiscopales ; l’Église orthodoxe d’Afrique aurait fini avec la vie de ceux de
ses membres alors existants. Ils désobéirent, et deux cent trente-huit évêques
expièrent, par leur exil en Sardaigne, cette nouvelle désobéissance. Apres y
avoir langui quinze ans, ils eurent leur délivrance à l’avènement du
bienveillant Hilderic [4230] .
La haine des ariens les avait bien dirigés dans le choix de ces deux îles.
Sénèque a déploré, d’après sa propre expérience, et exagéré probablement la
misère de la Corse [4231] ; et l’air malsain de la Sardaigne contrebalançait sa fertilité [4232] . 3° Le zèle de
Genséric et de ses successeurs pour la conversion des catholiques, devait les
rendre plus exacts à conserver la doctrine arienne dans toute sa dureté. Avant
que les églises fussent absolument fermées, c’était un crime d’y paraître en
habit de Barbare ; et ceux qui négligeaient de se conformer à l’ordre du
souverain étaient rudement traînés dehors par leur longue chevelure [4233] . Les officiers
palatins qui refusaient
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