Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain
d’embrasser la religion de leur prince étaient
ignominieusement dépouillés de leur rang et de leur emploi ; en les bannissait
dans l’île de Sardaigne ou dans celle de Sicile, ou on les condamnait à
travailler dans les champs d’Utique avec les paysans et les esclaves.
L’exercice de la religion catholique était plus strictement défendu dans les
districts particulièrement assignés aux Vandales ; et des peines sévères
étaient infligées et au missionnaire et au prosélyte. Ces précautions
maintinrent la foi des Barbares et enflammèrent leur zèle ; ils faisaient avec
une fureur religieuse le métier d’espions, de délateurs et de bourreaux ; et
lorsque leur cavalerie entrait en campagne, un de leurs amusements favoris,
pendant la marche, était de souiller les églises et d’insulter le clergé des
catholiques [4234] .
4° Par un raffinement de cruauté, on livrait aux Maures du désert des citoyens
accoutumés au luxe des provinces romaines, Hunneric fit arracher de leur
demeure et chasser en grand nombre de leur pays natal de vénérables évêques
prêtres et diacres, suivis d’une troupe fidèle de quatre mille
quatre-vingt-seize personnes, dont le crime n’est pas bien connu. Durant la
nuit, on les entassait, s’il est permis de le dire, comme un troupeau, dans
leur propre ordure : dans le jour, ils continuaient leur marche à travers les
sables brûlants du désert ; et lorsque, épuisés de chaleur et de fatigue, ils
s’arrêtaient ou ralentissaient leur marche ; on les chassait à coups de fouet,
ou on les traînait jusqu’à ce qu’ils expirassent entre les mains de leurs
persécuteurs [4235] .
Lorsque ces malheureux exilés atteignirent les huttes des Maures excitèrent
sans doute la compassion d’un peuple, dont l’humanité si elle n’était pas
perfectionnée par le raisonnement, n’était pas corrompue par le fanatisme ;
mais ceux qui avaient pu échapper aux fatigues et aux dangers de la route, se
trouvèrent condamnés à toutes les misères d’une vie sauvage. 5° Avait
d’entreprendre une persécution, les princes devraient se demander sérieusement
s’ils sont résolus de la soutenir jusqu’à la dernière extrémité : ils excitent
la flamme en cherchant à l’éteindre, et ils ont bientôt à punir et le crime du
coupable et sa désobéissance à la loi qui le châtie. L’amende qu’il refuse de
payer, faute de moyen ou de volonté, expose sa personne à la rigueur de la loi,
et l’inefficacité des punitions plus légères indique la nécessité d’une peine
capitale. A travers le voile des fictions et des déclamations, on aperçoit
distinctement que les catholiques éprouvèrent, principalement sous le règne
d’Hunneric, les traitements les plus cruels et les plus ignominieux [4236] . Des citoyens
respectables, des matrones d’une naissance illustre, des vierges consacrées,
furent dépouillés de leurs vêtements, suspendus en l’air par des poulies avec
des poids attachés à leurs pieds. Dans cette pénible attitude, on leur
déchirait le corps à coups de fouet, et on leur brûlait les parties les plus
sensibles avec des fers rouges. L’amputation des oreilles, du nez, de la
langue, de la main droite, fut un des supplices infligés aux catholiques par
les ariens. Quoiqu’on ne puisse pas fixer précisément le nombre de leurs
victimes, il est évident qu’ils en firent baugue et l’on cite un évêque [4237] et un proconsul [4238] parmi ceux qui
purent réclamer la couronne du martyre. On a accordé le même honneur à la
mémoire du comte Sébastien, qui professa la foi de Nicée avec une constance
inébranlable. Genséric put en effet poursuivre comme hérétique le fugitif dont
il redoutait la valeur et l’ambition [4239] .
Les ministres ariens employèrent un nouveau moyen de conversion qui pouvait
subjuguer la faiblesse et alarmer la timidité. Ils faisaient administrer le
sacrement du baptême par force ou par ruse et punissaient l’apostasie des
catholiques lorsqu’ils désavouaient une cérémonie odieuse et sacrilège, qui
violait la liberté du consentement et l’unité du sacrement [4240] . Les deux
partis avaient reconnu précédemment la validité du baptême conféré par leurs
adversaires, et on ne peut imputer cette innovation, soutenue avec tant de
fureur par les Vandales, qu’aux conseils et à l’exemple des donatistes [4241] . 6° Le clergé
arien surpassait en cruauté religieuse Genseric et, ses Vandales ; mais
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