Histoire du Japon
vie du Bouddha et l’accomplissement des vœux des bodhisattvas. Le Vairocana, principale statue, ainsi que les autres sculptures et aménagements étaient tous d’une exécution très élaborée, et abondamment rehaussés d’or et de pierres précieuses. L’or, l’argent, le lapis-lazuli, étaient répandus jusque sur le sol.
Les moines officiants, qui étaient les dignitaires bouddhistes les plus éminents du Japon, furent portés dans des palanquins en une procession solennelle, que suivaient à pied les hauts fonctionnaires, comme ils le faisaient à la cour lors des cérémonies bouddhiques. Les vêtements des moines avaient été spécialement importés de Chine pour la circonstance. De précieux encens parfumaient la cour, et le talent des musiciens et des danseurs donnait à croire qu’on se trouvait au paradis. Et quand le supérieur tendai récita les prières, le spectacle devint bouleversant.
A l’issue de la cérémonie, les membres de la famille impériales distribuèrent à tous les participants des cadeaux extrêmement généreux.
Les filles de Michinaga passèrent la nuit au Höjöji. Le lendemain, tous les courtisans revinrent, beaucoup plus séduisants dans leurs tenues habituelles que dans les vêtements de cérémonie qu’ils portaient la veille. On servit des fruits et du vin, et les hôtes, bientôt ivres, récitèrent des poèmes chinois. Ce fut beaucoup plus agréable que les formalités de la consécration.
Ayant hérité du goût de Michinaga, son fils, le régent Yorimichi, donna une fête somptueuse le vingtième jour de janvier de l’an 1025, et celle-ci excita à tel point la jalousie de sa sœur, l’impératrice douairière Yoshiko, qu’elle décida incontinent d’éclipser son frère en organisant le vingt-troisième jour du même mois une grande célébration du nouvel an. La manifestation fut jugée digne d’être décrite par les chroniqueurs, dont voici une version abrégée du récit enthousiaste :
La nuit du 22, impatients d’assister à la fête, les jeunes gens s’agitaient à choisir les couleurs et les parfums qui leur permettraient d’y faire bonne figure. Le remue-ménage des préparatifs emplissait les appartements du palais, où les dames, deux par deux, s’occupaient à coudre, à lisser leurs cheveux, à noircir leurs dents. Certaines, estimant que les éventails fournis par Yoshiko pourraient n’être pas assez bons, en avaient commandé pour l’occasion et craignaient qu’ils ne fussent pas peints à temps. « Celles qu’on avait autorisées à porter des couleurs [interdites] affichaient des airs satisfaits et des manières condescendantes ; les autres étaient déçues. » Lorsque l’aube arriva, elles redoublèrent d’activité, transportant de gros baluchons, mettant la dernière touche à leur coiffure et à leur maquillage, etc. « On en voyait aussi porter à deux sur les couvercles de grandes caisses des piles ahurissantes de choses pliées. Et ceux qui les apercevaient riaient, disant : " Combien de vêtements une seule personne peut-elle mettre ? " Au lever du soleil, leurs servantes les pressèrent de manger pour qu’elles soient assez fortes pour supporter le poids de leurs habits, mais elles étaient trop excitées pour les entendre. A huit heures, Yoshiko leur ordonna de venir sur-le-champ, mais elles s’attardèrent dans leurs chambres, incapables de s’arracher à leur miroir. Enfin, quand l’ordre eut été répété, elles se décidèrent à bouger, emmenant avec elles des servantes pour les aider à soutenir leurs jupes. « Ne pouvant lever ne fût-ce qu’un éventail à cause de la grande épaisseur de leurs soies, elles manquaient totalement de grâce. »
Au début de l’après-midi, Yorimichi et les autres nobles hôtes arrivèrent, vêtus de couleurs éclatantes, parfumés comme le voulait la mode, et entourés de suites impressionnantes. Tout en prenant place selon les règles de la préséance, ils admirèrent les toilettes des dames, mais d’aucuns échangèrent certains commenta res sur l’inconvenance de tant de jupes.
« Tandis que les seigneurs se divertissaient de la façon la plus agréable, la nuit approchait […]. Quand quelque chose qui pouvait être soit une fleur soit un flocon de neige tomba dans sa coupe, le Maître de la Maison de l’Impératrice récita :
Des fleurs de pruniers mélangées de neige Descendent sur le luth ; La couleur du saule à travers la fumée Se reflète
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