Histoire du Japon
accuse son isolement et son retard. La Grande-Bretagne était en relation avec Rome bien avant la conquête romaine, des commerçants parlant latin visitaient ses villes, et les importations de blé et de charbon anglais étaient choses courantes en Europe. Après la conquête jusqu’en 407, où les légions se retirèrent, une bonne partie, peut-être la moitié, de ce qui est aujourd’hui l’Angleterre jouit (sinon de façon permanente, du moins durant de longues périodes) des bienfaits de la civilisation de Rome et de la « beata tranquillitas » résultant de sa paix. Le christianisme gagnait alors rapidement du terrain, surtout sous le règne de Constantin, et des évêques anglais siégeaient aux conciles de l’Église chrétienne. A cette époque, le Japon venait seulement de commencer à s’imprégner de la culture chinoise et vivait encore à l’écart de l’influence bouddhique.
La culture japonaise n’est donc pas très ancienne, et le fait s’explique sans difficulté. L’archipel du Japon n’était pas aussi proche du continent que la Grande-Bretagne de l’Europe, et les communications en étaient d’autant plus malaisées. Cet obstacle aurait pu être surmonté par un envahisseur déterminé, tout comme, après le départ des Romains, l’Angleterre fut maintes fois ravagée par des peuples marins de l’Europe septentrionale qui avaient à franchir des distances aussi grandes que celle séparant le Kyüshü de la côte chinoise. Mais, historiquement, les Chinois n’éprouvèrent jamais un réel besoin de s’étendre du côté de la mer, occupés qu’ils étaient à le faire vers l’intérieur, à défendre leurs frontières et à régler leurs immenses problèmes intérieurs. D’autre part, le Japon n’offrait pas de possibilités de commerce, d’avantages stratégiques ni de perspectives de butin comparables à ceux qui attirèrent les Romains et les conquérants ultérieurs vers les rivages de l’Angleterre. Ainsi, une fois colonisé par les émigrants du néolithique supérieur et de l’âge du bronze, qui semblent être arrivés par petits groupes et non en masse, le Japon se trouva en mesure d’accepter ou de refuser à son gré l’influence étrangère. Bien qu’il fût parfois alerté par l’expansion de la Chine en Corée au vu siècle, il ne courut jamais un véritable danger. Rien ne lui fut imposé de force, et il ne connut rien de comparable à l’expérience des peuples situés aux confins de l’Empire romain, qui, après avoir dû se soumettre à son influence, furent pillés et dévastés par les barbares.
Qu’un changement culturel se révèle à long terme plus ou moins bénéfique suivant qu’il fut pacifique ou violent est affaire d’opinion, mais il n’est guère douteux que les traits les plus caractéristiques de la civilisation japonaise sont imputables à son développement dans un isolement relatif, qui favorisa la permanence d’une tradition et la survie d’éléments primitifs de force, et peut-être aussi de faiblesse, dans la vie nationale.
CHAPITRE III
L’État du Yamato
LES PREMIERS SOUVERAINS ET GRANDS NOBLES
Le succès qui, au ive siècle, couronna les expéditions militaires en Corée fut bientôt suivi par un renforcement des relations entre les royaumes du sud coréen et le Japon, et par une absorption plus rapide de la culture continentale par les dirigeants japonais.
Après l’introduction d’armes et d’outils de fer, ce qui joua le rôle le plus déterminant fut l’adoption par le Japon de l’écriture chinoise, grâce à laquelle les Japonais, jusque-là illettrés au sens le plus complet du terme, auraient la possibilité de tenir des registres et des comptes, d’envoyer des ordres écrits, et, le moment venu, de lire des livres chinois.
Ce deuxième grand pas dans le développement de la civilisation japonaise fut franchi vers l’an 400, où, pour remercier les Japonais qui avaient sauvé son pays par leur expédition de 391 contre son ennemi le roi de Kokuryö, le roi de Paechke envoya au Japon une délégation de lettrés. Ceux-ci, dit-on, emmenèrent avec eux divers ouvrages savants (peut-être une copie des Analectes) et une espèce de manuel, le fameux Classique des mille caractères.
A partir de cette date, nous entrons dans l’histoire écrite, et nous pouvons faire un certain crédit aux chroniques nationales. Elles ne sont pas entièrement dignes de foi pour le premier siècle après 400, mais
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