Histoire du Japon
qui représentait les sept dixièmes du revenu national, estimé à 27 millions. Durant les premières décennies du bakufu d’Edo, il y avait quelque deux cents fiefs. Avant 1614, ils étaient moins nombreux, mais ils se multiplièrent par la suite. La répartition du revenu entre les daimyô était fluctuante du fait que les fiefs étaient confisqués ou rendus, mais 200 fiefs, la proportion était de l’ordre de 50 ayant un revenu de 100000 koku et plus, et de 150 dont le revenu s’échelonnait entre 50000 et 100000 koku.
En contrepartie de leurs fiefs, les daimyô avaient certaines obligations envers le bakufu, chaque fief pouvant en principe être retiré, réduit ou échangé. Quand le shôgun changeait, tous les vassaux étaient tenus de produire un inventaire de leurs possessions et de renouveler leur serment de loyauté en jurant de se conformer au Buke sho-hatto. Leur tenure était alors confirmée par un document revêtu du sceau vermillon. Ils avaient des obligations militaires précises, et on pouvait en outre leur demander certains services supplémentaires, comme de contribuer en main-d’œuvre et en matériel à la construction de châteaux et autres entreprises. Enfin, ils devaient observer la règle de présence alternée.
En dehors de ces obligations, les daimyô étaient libres de gouverner leurs fiefs comme ils l’entendaient, sauf quand les intérêts du bakufu étaient directement en jeu ou qu’il y avait une infraction grossière aux principes formulés dans le Buke sho-hatto et autres textes fondamentaux. Il est vrai que, dans la version de 1635, le Buke sho-hatto fixe pour règle que, « en toutes choses, les lois d’Edo doivent être observées et appliquées en tous lieux dans toutes les provinces » ; mais, dans la pratique, la plupart des daimyô promulguaient des lois et des règlements adaptés aux conditions de leurs propres domaines, et agissaient comme des souverains indépendants. De l’avis général, les tozama avaient une plus grande liberté que les fudai, le bakufu répugnant d’ordinaire à se mêler des affaires des premiers après le grand « écrasement » (toritsubushi) qui prit fin à l’époque de Iemitsu. Cependant, on peut quand même dire que le gouvernement intérieur de chaque fief, fudai ou tozama, était ordinairement laissé au daimyô. Un gouvernement tyrannique était critiqué, mais non puni en tant que tel ; ce n’est que dans les cas extrêmes, quand un mauvais gouvernement risquait de créer de dangereuses querelles à l’intérieur d’un fief, qu’Edo se décidait à intervenir.
Le système politique de renseignements du bakufu était efficace. Des officiers de renseignements (metsuke) passaient, et parfois résidaient, dans les fiefs tozama, donnant des conseils au daimyô et des informations à Edo. Pour les fudai, le bakufu pouvait sans peine s’assurer qu’ils gouvernaient leurs fiefs de façon compétente, car les châtiments pour mauvaise conduite étaient prompts et sévères, et pouvaient se traduire non seulement par un changement de fief mais par l’expulsion pure et simple. Il n’était pas possible d’appliquer ce traitement aux tozama, dont les fiefs étaient généralement éloignés d’Edo, et qui étaient susceptibles de résister au shôgun par la force. Dans la plupart des cas, ils pouvaient être maîtrisés sans grande difficulté, mais une révolte ouverte aurait été préjudiciable au prestige du shôgun. Il était plus facile de contraindre les tozama à l’ordre en usant de méthodes indirectes, comme en leur imposant des tâches coûteuses. De leur côté, les tozama avaient d’ordinaire soin d’éviter de déplaire aux Tokugawa. Ils semblent d’ailleurs avoir éprouvé de l’amitié pour Ieyasu, car, durant ses derniers moments, Date, Maeda et Shimazu étaient en pleurs à côté de son lit.
ADMINISTRATION INTÉRIEURE DES FIEFS
L’inauguration d’une période de paix dans une société dominée par une classe de guerriers présenta pour ses dirigeants des contradictions difficiles à résoudre. S’il fallait préserver le caractère féodal de cette société, le shôgun devait être à même de s’assurer la loyauté de ses vassaux tout en leur accordant une large autonomie. Il fallait qu’il ait une puissante armée à disposition, mais il devait avoir soin de ne pas se mettre dans une situation où il lui faille l’utiliser, car il pouvait en résulter la ruine de tout l’édifice
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