Histoire du Japon
national, sans doute stimulé par l’atmosphère vivifiante de la période de réforme qui suivit les édits de Taika. La poésie japonaise n’a jamais retrouvé la qualité de ces premiers chefs-d’œuvre.
Lorsqu’on passe en revue les sujets les plus souvent traités par les poètes, on s’aperçoit que le bouddhisme n’y tient que peu de place. Il y est parfois fait allusion, mais de façon générale on ne peut pas dire que les poèmes soient pénétrés du sentiment bouddhique ou de la vision bouddhique de la vie. Ce qui à première vue peut paraître un effet de l’influence bouddhique est une tendance chez les poètes à insister sur la vanité de l’existence humaine, l’évanescence de la beauté et du plaisir. Des symboles comme la fleur qui passe, la rosée qui se volatilise et la bulle qui éclate reviennent très fréquemment. En voici quelques exemples, pris presque au hasard :
Shôji no (Abhorrant les deux mers,
Futatsu no umi wo De la Vie et de la Mort,
Itowashimi Combien j’aspire aux hautes terres
Shiohi noyama wo Échappant aux marées.)
Shinobitsuru ka mo.
L’allusion faite au nirvana, au-delà de la vie et de la mort, atteste une connaissance des éléments de la doctrine bouddhique. On raconte en réalité que le poème a été écrit sur un instrument de musique découvert dans un monastère, et il se peut que son auteur soit un moine. Mais la tournure de la phrase, la vision de la vie, de la mort et de l’éternité en termes de paysage est peut-être typiquement japonaise.
Utsusemi wa (Cette vie mortelle
Kazunaki mi nari Est de courte durée.
Yamakawa no Que je cherche la Voie,
Sayakeki miîsutsu En contemplant la pureté
Michi wo tazune na. Des collines et des ruisseaux.)
On retrouve ici un parfum bouddhique, mais à nouveau le sentiment s’exprime à travers) ïs beautés de la nature.
Yo no naka wo (A quoi comparerai-je
Nani ni tatœn Cette vie ? Elle est comme
Asabiraki Un bateau que ses rames
Kogi-inishi fune no Emportent à l’aube
Ato naki gotoshi. Sans laisser de trace.)
L’évanescence est toujours là, traduite par un souvenir visuel, mais il ne s’agit pas d’un sentiment spécifiquement bouddhique.
Konoyo ni shi (Si je puis avoir du plaisir dans cette vie,
Tanoshiku araba alors qu’importe si dans la suivante je
Kon yo ni wa suis insecte ou bien oiseau !)
Mushi ni mo tori ni mo Ware wa narinan !
C’est une allusion directe à la doctrine du karma, mais manifestement pas très pieuse. L’auteur est Tabito, courtisan qui quitta cette vie en 731. On sent ici l’influence de la poésie chinoise, de l’école hédoniste des Sept Sages de la Forêt des Bambous.
Hormis ce genre d’exemples, qui ne dénotent aucun sentiment religieux très profond mais une mélancolie toute poétique, les poèmes d’amour sont les plus fréquents – parfois passionnés, mais généralement chaleureux et tendres, plutôt simples et naturels. Beaucoup parlent de séparation, d’amour contrarié, de la solitude des époux à qui la mort a enlevé leur conjoint. Peut-être la place accordée à l’amour conjugal constitue-t-elle un trait particulier. Mais il est de même fréquemment question de l’amour des parents et de la famille en général. Tous les sentiments humains naturels trouvent leur expression, mais avec un accent notable sur les liens familiaux, où les morts ont leur place aussi bien que les vivants.
La fidélité au souverain ou au chef de clan constitue un thème favori. La célèbre strophe (tirée d’un long poème de 749 sur la découverte de l’or pour le Grand Bouddha du Tôdaiji) qui fait allusion au clan Otomo, garde du corps héréditaire, est un exemple classique des devoirs du guerrier tels que les formule le poète :
Umi yukaba mizuku kabane Yama yukaba kusamusu kabane O-Kimi no he ni koso shiname Kaerimi wa seji.
(En mer nos cadavres croupiront dans l’eau.
Sur les monts nos cadavres pourriront dans l’herbe.
Nous mourrons au côté de notre souverain,
Nous ne regarderons jamais en arrière.)
L’honneur du guerrier doit être sans tache ; il lui faut préserver « masurao no kiyoki sono na », le nom pur de l’homme de courage. Cependant, sauf lorsqu’il s’agit d’illustrer le devoir imposé par la loyauté, il est étonnamment peu question de batailles et d’ardeur militaire. La bravoure n’est jamais louée en tant que telle, mais uniquement comme un aspect de la fidélité.
Dans toute
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