Histoire du Japon
mère, qui paraît avoir été affligée de délire religieux, il consacra d’importantes sommes à la construction ou à l’agrandissement d’édifices appartenant à la secte bouddhique Shingon. Avec les années, sa passion du savoir ne faisait qu’augmenter. Par ailleurs, il s’efforçait de mettre en pratique, et d’obliger les autres à mettre en pratique, les vertus recommandées par les sages bouddhistes et confucéens, notamment en faisant publier des édits charitables pour la protection des enfants abandonnés et des voyageurs victimes de la maladie.
Un moine shingon ayant suggéré qu’il n’avait pas d’héritier mâle parce qu’il avait tué dans une existence précédente, Tsunayoshi (ou sa mère) décida qu’il devait se consacrer à la protection de la vie. Du fait qu’il était né l’année du Chien, ses conseillers lui dirent qu’il devait accorder une attention particulière au bien-être de ces créatures. Ainsi, en 1687, à la stupeur de la population, des ordres furent publiés jour après jour visant à la protection de la vie en général et des chiens en particulier. A n’en pas douter, il y avait trop de chiens errants et affamés dans les rues de la ville, et les gens n’étaient que trop prêts à les liquider ; mais c’était pure folie que de mettre à mort un apprenti pour avoir blessé un de ces animaux, ou de vouloir qu’on s’adresse à eux en termes honorifiques tels que Monsieur ou Madame Chien (O Inu Sama). Le gouvernement de la ville était au désespoir. Incapable de résoudre le problème, il finit par se décider en 1695 à déplacer la source de ses ennuis dans la banlieue, où (dit-on) pas moins de 50000 chiens furent recueillis et nourris de riz et de poisson séché durant les années suivantes aux frais des contribuables.
Malgré les faiblesses évidentes de Tsunayoshi et malgré les soucis qu’elles causèrent aux habitants d’Edo, le pays dans son ensemble ne paraît pas avoir souffert de ses errements dans la conduite de ses affaires. Il lui arrivait de s’imposer, mais son intérêt principal résidait dans les arts. Il aimait à monter des spectacles de nô dans les appartements de son palais et à y tenir les premiers rôles. Pour la dernière partie de sa vie de shôgun, il y a peu de choses à signaler sur le plan politique, sans doute parce que les responsables du gouvernement remplissaient leur tâche de manière compétente et discrète. Le seul événement politique marquant fut l’affaire des quarante-sept rônin, dont le bakufu se tira très honorablement.
Sur le plan financier, la mesure la plus importante fut une « révision » – en fait, une dégradation – de la monnaie d’or et d’argent en 1695 253 . La trésorerie du bakufu en profita, mais il semble qu’elle n’ait pas eu de mauvais effet notoire sur l’économie. Que le gouvernement de Tsunayoshi n’ait pas causé de tort grave au pays ressort clairement de la prospérité amplement attestée par la vie des villes et des campagnes durant la période Genroku (1688-1704). Les importantes sommes amassées par les trois premiers shôgun n’avaient pas été entièrement dépensées, le commerce était florissant, et il restait de quoi investir dans la mise en valeur des terres agricoles et autres entreprises productives.
L’économie était toujours en expansion, bien qu’à un rythme ralenti, et l’état des finances gouvernementales n’était pas mauvais. En fait, il s’améliora même jusqu’en 1703, où un tremblement de terre détruisit une grande partie d’Edo et y fit de nombreuses victimes, de même qu’à la campagne, où des raz de marée endommagèrent gravement le littoral et la Tôkaidô. Quelques jours plus tard, la ville connut une nouvelle catastrophe, un incendie cette fois, qui, attisé par un ouragan, ravagea le quartier de Yotsuya.
Pour le pays, et en particulier pour les provinces de l’Est, ce fut une période malheureuse, car il y eut de nouveaux tremblements de terre et incendies à la fin de 1707, où le Fuji entra en éruption et où une grande partie de la région environnante se trouva recouverte de cendres. Il n’y eut pas beaucoup de victimes, mais il fallut bien des efforts pour qu’on pût à nouveau cultiver toutes les terres dévastées. Une somme de 400000 ryô fut allouée pour l’enlèvement des cendres. Peu de temps après, un désastre s’abattit sur Kyoto, dont toute une partie fut détruite par un
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