Histoire du Japon
incendie ; et ce nouveau malheur fut suivi, en avril 1708, par une tempête et des inondations qui anéantirent les récoltes de la fertile plaine de Kinai.
Tsunayoshi avait alors pris sa retraite, laissant la conduite des affaires à Yanagisawa. Durant l’été 1708, il annonça qu’il quittait ses fonctions en faveur du shôgun désigné, son neveu Ienobu, seigneur de Kôfu, qui avait été recommandé par Mitsukuni de Mito. Il lui restait peu de temps à vivre. Il était malade lors de la réception de nouvel an que Ienobu donna à sa place, et il mourut quelques jours après.
Il se trouve que nous avons bien des informations sur les conditions qui régnaient au Japon sous Tsunayoshi grâce au récit qu’a laissé Engelbert Kaempfer de ses expériences de 1691 et 1692, où il se rendit dans la capitale comme membre de l’ambassade hollandaise annuelle de la colonie marchande de Nagasaki.
Kaempfer brosse le tableau – c’était un observateur qualifié – des villes et des villages qu’il traverse avec ses compagnons de Nagasaki à Osaka, puis à Kyoto, et jusqu’à Edo en suivant la Tôkaidô. Ils se rendirent d’abord par la route à Kokura, où ils s’embarquèrent pour Shimonoseki et, de là, pour Osaka, que, par bon vent, ils devaient atteindre en huit jours. Voyager par bateau était quelque peu hasardeux, car depuis les édits de fermeture on ne pouvait plus construire pour naviguer en mer que de petites embarcations ; mais en prenant souvent abri, le voyage se passa sans encombre. D’Osaka, il se poursuivit par terre, le long de la Tôkaidô après Kyoto.
Les grandes routes qu’il décrit sont larges et agréables, soigneusement entretenues par les villageois. On y voyageait soit à cheval, soit en palanquin. D’après Kaempfer, les villages qu’elles traversaient étaient peu peuplés, alors que les villes regorgeaient de boutiques et de marchandises de toutes sortes. Touchant la vie des paysans, il dit : « D’articles de ménage, ils n’en ont guère, alors que c’est généralement leur lot d’avoir beaucoup d’enfants tout en étant très pauvres. Pourtant, avec une petite provision de riz, de plantes et de racines, ils sont satisfaits et heureux. » Aux carrefours des villes et des grands villages, il remarque des tableaux où sont affichés les ordres et les édits du gouvernement central ou du seigneur de la région.
Il est très impressionné par le grand nombre (« à peine croyable ») de voya geurs qu’il croise quotidiennement. La Tôkaidô, qui est la principale et la plus fréquentée des grandes routes du Japon, « est parfois plus encombrée que les rues de n’importe laquelle des villes les plus peuplées d’Europe ». Les grands barons qui se rendent à Edo ou en partent sont évidemment escortés de centaines et même de milliers de personnes, mais sinon ceux qu’on rencontre sur les routes sont des gens tout à fait ordinaires, qui se déplacent le plus souvent pour leurs affaires mais fréquemment aussi pour accomplir un pèlerinage, et, quoi qu’ils fassent, sont toujours prêts à s’amuser. Kaempfer parle abondamment des auberges et des restaurants qui jalonnent les routes, et insiste sur les « innombrables filles » qui proposent leurs services aux voyageurs. Dans l’ensemble, le tableau qu’il peint est celui d’une activité débordante et d’une prospérité bien établie. Cette image est corroborée par les descriptions japonaises de l’époque de Tsunayoshi, c’est-à-dire du tournant du siècle. C’était encore des années où le commerce et la production étaient en expansion.
Le récit que fait Kaempfer de la réception de l’ambassade hollandaise par Tsunayoshi est amusant et plein de renseignements sur la haute société militaire. Lors du voyage de 1691, le groupe atteignit Odawara le 11 mars, trouvant la ville belle et le château imposant. Les habitants étaient bien habillés et se montraient polis, à l’exception de petits garçons qui crièrent des insultes aux étrangers. Les voyageurs prirent ensuite la Tôkaidô, et, passant devant le terrain d’exécution de Shinagawa (« vision très bouleversante »), ils arrivèrent à Edo dans l’après-midi du 13 mars. En route, ils croisèrent de nombreux cortèges de princes et de grands hommes de cour, et de dames richement vêtues. Des deux côtés des rues se pressaient une multitude de boutiques bien fournies tenues par des marchands et des commerçants de
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