Histoire du Japon
l’économie commerciale dans la vie rurale. C’est en partie vrai, mais quelque bienveillant qu’il soit, aucun gouvernement n’aurait pu empêcher les calamités naturelles qui furent les causes directes de la misère.
Lorsqu’on considère la croissance ou la diminution de la population dans le Japon du XVIII« siècle, il est important de se rappeler que les statistiques disponibles ne sont pas fondées sur des données exactes. Elles ne prennent pas en compte les membres de la classe guerrière, ni bien sûr les nombreuses personnes, arrivées récemment ou en migration, qui ne figuraient pas dans les registres. Les fiefs dénombraient leur population selon des méthodes qui variaient d’un endroit à l’autre, et parfois sans compter les enfants. Compte tenu de ces variables, on peut considérer que la fluctuation de la population est représentée avec une relative exactitude par les chiffres du recensement national effectué tous les six ans par le bakufu depuis 1721. Les totaux bruts auxquels on aboutit sont les suivants :
Les variations de ces chiffres correspondent assez étroitement au changement climatique jusqu’en 1798, après quoi on note une augmentation régulière durant trois décennies. La chute de 26 millions en 1780 à 25 millions en 1786 et à moins de 25 millions en 1792 indique qu’un million au moins de personnes sont mortes de la famine ou des épidémies en l’espace de moins de dix ans.
SITUATION DES SAMURAI
Toute observation générale sur les samurai en tant que classe est susceptible de mener à l’erreur, car ils varient du simple soldat vivant d’une petite pension au vassal direct du shôgun, le banneret {hatamoto), touchant de beaux émoluments. Étant donné qu’en temps de paix la plupart d’entre eux étaient sans emploi, ils créaient un problème pour le bakufu. Nous avons évoqué certaines des difficultés que soulevait cette situation dans les chapitres (L et LI) traitant de la révolte des rônin de 1651. Au XVIIIe siècle, un grand nombre parmi les membres les plus capables de cette classe étaient devenus fonctionnaires dans la capitale ou les villes-châteaux, et d’autres s’étaient installés en ville, où ils vivaient d’une modeste pension ou s’étaient établis comme fabricants de parapluies ou de sabots, ou encore occupaient un emploi de bureau. Certains, par manque de fonds, étaient allés jusqu’à adopter le fils d’un citadin contre une somme d’argent, lui conférant ainsi le statut de samurai. Il y avait pour ces transactions un barème de paiement reconnu : une vingtaine de ryô pour devenir ashigaru, un millier ou plus pour des grades plus élevés.
Les chroniques de l’époque, et en particulier les pièces et les romans, ne prêtent évidemment que peu d’attention aux samurai menant une existence paisible et luttant contre la misère. Elles préfèrent raconter les rixes et les débauches de personnages hauts en couleur comme Tamura Daikichi, hatamoto qui tenait une maison de jeu où les effusions de sang étaient fréquentes, et qui, arrêté par les magistrats de la ville, s’échappa, fut pris dans un village lointain déguisé en moine, et exécuté à Edo. Un autre de ces personnages était un samurai qui tira l’épée contre l’employé d’une buvette, mais fut désarmé à coups de barre de fer et contraint à s’enfuir. Ce ne fut pas pour sa violence mais pour sa couardise qu’il fut ensuite jugé et exilé.
Des épisodes de ce genre peuvent donner l’impression que les samurai avaient perdu leur prestige, et que l’autorité de la classe guerrière était sur le déclin ; mais cette impression n’est pas juste, car il y avait beaucoup d’hommes sérieux qui étaient lettrés par tempérament et, étant membres de la classe dirigeante, s’intéressaient aux problèmes politiques. Ils étaient héritiers de la tradition des philosophes néo-confucianistes, mais ils vivaient à une époque où, parmi les gens instruits, régnait dans tout le pays un sentiment croissant de mécontentement, et certains penseurs estimaient que la politique d’isolement faisait obstacle au changement nécessaire. On se souviendra que même un lettré aussi conservateur qu’Arai Hakuseki avait senti que le Japon ne devait pas perdre contact avec le monde extérieur.
Un autre homme de savoir, Aoki Konyô, célèbre pour avoir introduit la patate douce au Japon, avait, par ses encouragements à l’étude du
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