Histoire du Japon
Gennai devait recueillir pour lui. des informations.
Il y passa un an, à poursuivre des études semble-t-il décousues, et à son retour, en 1753, il se rendit à Edo, où il travailla sous la direction de Tamura Enyû. Il se spécialisa dans la botanique, mais Tamura et lui s’intéressaient tous deux à une étude plus générale de la production dans son ensemble, c’est-à-dire agricole et industrielle. Cette branche du savoir (qu’ils appelaient « bussangaku », ou science de la production) mérite qu’on s’y arrête à cause de la lumière qu’elle jette sur les idées sociales et économiques courantes dans le Japon du XVIIie siècle. Mais il nous faut d’abord continuer le récit de la vie de Gennai, car on peut dire qu’il domina la scène intellectuelle japonaise « moderne », quelque brièvement que ce soit, à l’époque où l’intérêt pour les idées importées d’Europe avait atteint son apogée.
Alors qu’il était à Edo à travailler à ses études et autres entreprises, il recevait toujours une pension de Takamatsu, mais il souhaitait être débarrassé de ses obligations envers ce dernier. Il demanda donc un congé d’une durée indéterminée, qui lui fut accordé, mais il prit ombrage d’une réserve d’ordre matériel, d’ailleurs légère, imposée par Yoriyasu, démissionna, et devint ainsi un rônin. Par la suite, il se montra déçu, consacrant une bonne partie de son talent à produire des œuvres littéraires sans lendemain, qu’il s’agît de satires ou de pièces de théâtre (écrites sous un pseudonyme) ; mais il poursuivit ses études et publia de même des ouvrages sérieux, comme une « Classification des objets naturels » (Butsurui hinshitsu), en 1763, et un essai sur la fabrication d’un tissu d’amiante, en 1764.
Ses intérêts étaient presque universels. A côté de ses contributions à la connaissance scientifique, il fit certaines tentatives du côté de la peinture occidentale, utilisant les contrastes de l’ombre et de la lumière que le dessin traditionnel ne représentait pas. Il donna des leçons de peinture à l’huile à Shiba Kôkan, qui avait jusque-là pratiqué le dessin à la manière chinoise, mais devait ensuite se faire un nom comme interprète des principes picturaux européens.
En 1770, Gennai retourna à Nagasaki, où il apprit à construire un appareil électrique. Il vit aussi certains exemplaires de poterie du Kyüshü et suggéra au bakufu d’en faire un produit spécialement destiné à l’exportation. En 1773, à la demande du daimyô, il rédigea un rapport sur les gisements de fer du fief de Sendai. L’année suivante, il écrivit son Hôhiron, pamphlet où il exprimait son mépris pour la société moderne, et parlait du rôle joué par le hasard et l’irrationnel dans les affaires humaines. C’était maintenant un personnage grincheux et pessimiste. A la fin de l’année 1779, du fait d’un malentendu ou dans un moment de folie, il tua l’un de ses disciples. Il fut arrêté et mourut en prison quelques semaines plus tard, âgé de cinquante et un ans.
Son ami Sugita Gempaku ne fut pas autorisé à l’enterrer, son corps étant celui d’un criminel ; mais il obtint la permission d’emporter ses vêtements. Il les enterra dans un cimetière d’Asakusa, et sur ce cénotophe, il dressa une pierre sur laquelle il avait gravé une épitaphe disant que Gennai était un homme exceptionnel qui aimait les choses remarquables, et qui, après avoir vécu une vie remarquable, était mort d’une mort remarquable. Mais ce monument funéraire fut détruit sur ordre officiel.
Le bussangaku : ce terme peut être traduit par « science de la production ». Au XVIII e siècle, il y avait bien sûr déjà eu d’importants progrès dans la production, dont certains s’étaient effectués de façon naturelle et d’autres avaient répondu à des plans définis ; mais ce que Gennai et ses associés avaient en tête était un accroissement planifié global du nombre et de la quantité des biens de production.
L’essentiel du savoir scientifique obtenu jusque-là des Hollandais avait été appliqué à la médecine, et avait stimulé surtout l’étude de la botanique. Gennai et son école avaient pour but d’encourager la production d’une grande variété d’objets à des fins similaires. Ils avaient pour principe que les sciences dépendaient des produits tout comme la médecine dépendait des herbes.
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