Histoire du Japon
qu’État) n’avait probablement aucune intention d’envahir le Japon, les côtes étaient l’objet d’incessantes attaques de pirates, et les mesures prises pour s’en défendre étaient ridiculement inadéquates. Lorsqu’on étudie les archives de l’époque, on s’étonne constamment de voir à quel point la classe dirigeante de la métropole était devenue molle et pacifique. En 870, par exemple, on trouve une proclamation qui dit que le Japon est le pays des Dieux, et que, si ses défenses sont pauvres, des prières empêcheront les pirates d’approcher des côtes. Une proposition visant à exclure du Japon tous les Coréens est elle-même repoussée, parce que l’« attitude royale » veut qu’on traite avec compassion les réfugiés et naufragés.
En 894, lorsqu’il fut question de reprendre les relations diplomatiques avec la Chine et d’y envoyer Sugawara Michizane et Ki Haseo, le projet fut abandonné à cause des troubles qui s’y manifestaient alors. Les deux hommes avaient d’autres raisons, d’ordre personnel, pour ne pas vouloir quitter le Japon à ce moment-là, mais il est vrai que la dynastie Tang était sur le déclin et qu’il y avait réellement lieu de s’inquiéter, car en dépit de son éloignement et des rapports assez ténus qu’il entretenait avec le continent, le Japon s’était de tout temps ressenti des vicissitudes politiques de la Chine.
La dynastie Tang avait déjà commencé à montrer des signes de faiblesse vers le milieu du VIII e siècle, devant la pression exercée par certains peuples frontaliers (comme les Uighurs et les Qidan) et la déloyauté régnant à l’intérieur ; mais ces difficultés furent surmontées, et la grande structure demeura stable et imposante pendant encore un siècle ou davantage. Ce n’est que vers 900 qu’elle s’effondra, et il fallut alors attendre une cinquantaine d’années pour que la Chine soit à nouveau unie, cette fois sous la dynastie des Song. Dans l’intervalle, le désordre s’empara des États voisins – la Mandchourie et la Corée au nord – et le pouvoir chinois recula. Quand le calme revint, des ouvertures furent faites par les Chinois, et des envoyés du Zhejiang arrivèrent au Japon en 945 ; loin d’être bien accueillis, ils furent reçus en importuns. Et par la suite, même quand la dynastie des Song fut bien établie et fit des avances au Japon, la cour, toujours méfiante, n’y répondit qu’à contre-cœur.
Manifestement, la Chine avait perdu de son prestige, et le Japon gagné de l’assurance ; si bien que, sans que les relations entre les deux pays se raréfient ni que l’influence chinoise en matière de savoir et de religion diminue, à la fin du ix« siècle, les dirigeants japonais manifestaient dans leur attitude face à la culture continentale un esprit critique jusque-là inconnu.
Il est d’ailleurs significatif que la reprise des relations diplomatiques se soit faite sur l’initiative des Chinois. Et dans le domaine commercial aussi, ce sont les Chinois qui approchèrent le Japon. Il y avait un intense va-et-vient de bâtiments Song, et certains capitaines prétendaient que des vents violents les avaient poussés vers les côtes japonaises. Les sujets du Japon avaient l’interdiction de quitter le pays, mais une exception était faite pour les moines que l’on envoyait étudier en Chine.
C’est ainsi que Chônen, un moine Fujiwara du Kôfukuji, reçut de l’or de la cour, et de l’empereur retiré Uda, pour aller en Chine étudier à Wutaishan puis faire un pèlerinage en Inde sur les traces du Bouddha. En 984, il eut une audience avec l’empereur Sorig Taizong, à qui il offrit des livres précieux, parmi lesquels une généalogie de la famille impériale du Japon. Selon les chroniques chinoises, l’empereur fut très impressionné par la stabilité du gouvernement japonais, et dit tout le bien qu’il pensait du principe héréditaire – ce qui, chez l’un des fondateurs d’une dynastie, n’a rien de surprenant.
Les moines chinois en visite au Japon étaient également bien traités par la cour japonaise, et l’on peut dire qu’en général les échanges culturels entre les deux pays se poursuivirent régulièrement en dépit des difficultés des rapports politiques. Ainsi, bien qu’aucun représentant officiel ne fût envoyé à la cour de Chine après 838, de nombreux marchands et moines japonais se rendirent sur le continent, et de nombreux Chinois,
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