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Iacobus

Iacobus

Titel: Iacobus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Matilde Asensi
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grand
pour te poser sérieusement la question de ta vocation.
    — Mais je ne suis pas libre ! gémit-il
d’une voix de petit enfant – dans le fond il l’était encore malgré sa taille.
J’ai été abandonné au monastère, et mon destin est de prononcer les voeux sacrés
comme le veut la règle de saint Maurice.
    — Je le sais, dis-je avec patience. C’est
la règle dans un grand nombre de monastères. Mais dis-toi bien une chose :
on a toujours le choix. Ta vie, à partir du moment où tu commences à exercer un
certain contrôle sur elle, est faite d’un ensemble de choix ; certains
seront bons, d’autres mauvais, mais ce seront les tiens. Imagine que tu
veuilles grimper à un arbre dont tu ne peux voir la cime. Pour arriver au
sommet, tu choisiras les branches qui te paraîtront les plus sûres, et donc
abandonner certaines pour en préférer d’autres qui à leur tour t’obligeront à
faire un nouveau choix. Si tu arrives là où tu voulais arriver, c’est que tu as
mené ton parcours avec discernement. Sinon, cela signifie que tu as pris une
décision erronée à un certain moment, et tous tes choix postérieurs ont été
conditionnés par cette erreur.
    — Vous réalisez ce que vous êtes en train
de me dire, frère ! s’écria Jonas d’un ton apeuré. Vous niez tout
simplement la prédestination, vous élevez le libre arbitre au-dessus de la providence
divine !
    — Non. Mais j’entends mon estomac qui
commence déjà à protester avec rage. Et rappelle-toi que tu ne dois plus
m’appeler « frère »... ! Aubergiste ! Aubergiste !
    — Oui ! répondit un homme d’un ton
brusque depuis les cuisines.
    — Il arrive ce poisson ou il vous faut
encore aller le pêcher à la rivière ?
    — Le chevalier aime à plaisanter, on
dirait ? répliqua le tavernier qui apparut soudain.
    C’était un homme gras et d’aspect vulgaire. Il
s’approcha de notre table tout en nettoyant ses mains qui empestaient le
poisson sur son tablier couvert de taches. Il s’exprimait en provençal, langue
similaire à mon catalan natal. Nous allions donc pouvoir communiquer sans
difficultés.
    — Nous avons faim, aubergiste. Mais je vois
que vous êtes occupé, et pour mon propre bien je ne veux pas vous déranger.
    — C’est trop tard ! répondit-il de
mauvaise humeur. En plus, je suis seul aujourd’hui. Ma femme et mes fils sont
partis chez des parents. Vous devrez vous contenter pour l’instant de cette
miche de pain.
    — Mais, vous êtes le fameux François !
dis-je en feignant l’admiration et en l’observant avec attention.
    Il se tourna vers moi avec une nouvelle
expression sur le visage. Ainsi, il était vulnérable à la flatterie...
« Bien, très bien », me dis-je, satisfait. Ce type de mission
requérait des qualités bien différentes de celles du soldat. J’avais souvent
remarqué que les armes n’étaient pas toujours le meilleur moyen d’obtenir une
information et avais développé jusqu’à la perfection l’art de la flatterie, de
la persuasion et de la manipulation.
    — Comment me connaissez-vous ? Je ne
vous ai jamais vu par ici, dit-il d’un ton méfiant.
    — En effet, je ne suis jamais venu, mais
votre table est connue dans tout le Languedoc.
    — Ah ? dit-il, surpris. Et qui vous a
parlé de moi ?
    — Oh ! beaucoup de monde, mentis-je
conscient de m’être fourré dans un guêpier.
    — Donnez-moi un nom.
    — Voyons... Laissez-moi chercher...
Ah ! voilà, mon ami Langlois qui s’est arrêté ici alors qu’il se rendait à
Nevers et qui m’a dit : « Si un jour tu passes par Avignon, surtout
ne rate pas l’auberge de François à Roquemaure. » Je peux citer également
le comte Fulgence Delisle, vous vous souvenez de lui, non ? Il eut le
plaisir de goûter à votre cuisine il y a un certain temps et fit votre éloge
lors d’une fête à Toulouse. Et pour finir, mon cousin le cardinal Henri de
Saint-Valéry qui vous a recommandé tout spécialement.
    — Le cardinal de Saint-Valéry ?
répéta-t-il en me regardant du coin de l’oeil, avec méfiance.
    « Voilà un homme qui garde un secret »,
me dis-je. Les pièces du puzzle commençaient à s’emboîter comme je l’avais
imaginé.
    — C’est votre cousin ?
    — Oh ! un cousin lointain,
rectifiai-je avec un rire. Nos mères étaient cousines. Comme vous l’aurez sans
doute deviné à mon accent, je suis d’origine espagnole, mais ma mère était de
Marseille.
    Je

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