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Iacobus

Iacobus

Titel: Iacobus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Matilde Asensi
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de feuilles de séné et quelques grammes
de la terrible Rhamnus frangula , plus connue sous le nom de bourdaine. Sa saveur
âpre et amère serait masquée par la pulpe sucrée des raisins. Quand le seigle
commença à éclater, je retirai le récipient du feu et le laissai décanter
quelques instants avant de le verser dans un tissu pour le filtrer. Un liquide
clair et fluide s’écoula dans ma calebasse.
    — Personne ne pourra pas voyager avec nous
demain..., murmura Sara avec un sourire complice.
    — Vous avez compris mon idée.
    — Trop bien, je le crains.
    Je retournai à l’auberge et m’introduisis
subrepticement dans le dortoir. Au fond brillait une petite lampe de suif placée
devant une image de Notre-Dame. Silencieux comme un chat et l’oreille aux
aguets, je pris la calebasse de Personne et versai dedans le contenu de la
mienne en la mélangeant avec un peu d’eau. Si tout se déroulait selon mes
prévisions, notre compagnon en boirait une grande gorgée à son réveil, comme
d’habitude, et même s’il remarquait soudain un goût particulier, ce serait déjà
trop tard pour ses intestins. Avec un peu de chance, il était même possible
que, ensommeillé, il ne se rende compte de rien.
    En effet, tout se passa comme prévu. Personne ne
manqua pas de boire dès son réveil, et peu de temps après le laxatif fit son
effet. On pouvait entendre les gémissements de douleur du vieil homme dans
toute l’auberge alors qu’il se précipitait ou plutôt volait vers les étables en
se tenant le ventre. Jonas le regardait avec une expression amusée,
profondément admiratif de l’agilité soudaine du vieil homme qui courait vider
ses tripes.
    — Il est malade ? s’étonna-t-il en
suivant du regard la course de Personne jusqu’à la porte.
    — C’est certainement quelque chose qu’il
n’a pas digéré hier soir.
    — Cela fait déjà quatre fois qu’il se rend
aux écuries. Personne n’osera plus aller chercher des chevaux. Vous n’avez
aucun remède à lui donner ?
    — Je crains que rien ne puisse le soulager,
répondis-je en cachant un sourire.
    Néanmoins, pendant que nous prenions notre petit
déjeuner de soupe de pain et de lait, le regard douloureux du malade m’émut, et
je lui recommandai de prendre trois fois par jour de l’argile bien diluée dans
l’eau pour couper la faiblesse du ventre. Si son état ne s’améliorait pas, lui
dis-je, le mieux serait qu’il se rende à l’hôpital le plus proche.
    — Franchement, je ne me sens pas de force à
voyager aujourd’hui, dit-il.
    — Mais nous ne pouvons pas nous arrêter,
lui répondis-je. Rappelez-vous que Sara est pressée d’arriver à Burgos et
qu’elle nous attend en cet instant même pour partir.
    Un rictus malveillant se dessina sur son visage.
    — Les chevaux sont à moi, et restent avec
moi, alors à vous de choisir ce que vous faites.
    — Nous vous remercions de l’aide que vous
nous avez apportée pour retrouver notre amie, mais comme vous le comprendrez
aisément, nous devons poursuivre le voyage avec elle maintenant que nous
l’avons trouvée.
    Le vieil homme me regarda d’un air incrédule.
    — Mais votre amie voyage à cheval,
protesta-t-il.
    — Non, plus maintenant.
    — Ce n’est pas grave, je vous rattraperai
dans deux jours, dit-il sur un ton de menace.
    — Nous serons heureux de vous revoir,
mentis-je.
    Sara nous attendait en effet devant les portes
du quartier juif. Nous reprîmes le Chemin devant l’église Santa Maria la Real,
nous dirigeant vers Azofra. Nous marchions, gais et euphoriques, tout en
traversant des terres rouges couvertes de vignes. Disparue comme par enchantement,
la distance créée par Personne entre Jonas et moi ! Je retrouvai le garçon
intelligent et éveillé de Paris. Nous avancions sous un ciel couvert et une
lumière de plomb, mais bavardions avec tant d’animation que nous en oubliions
les incommodités du Chemin couvert de boue.
    Une fois arrivés à Azofra, je décidai de
continuer jusqu’à San Millan de la Cogolla pour y déjeuner. Là, je fus surpris
de trouver non pas un mais deux monastères bien séparés : l’un en haut,
San Millan de Suso, l’autre en bas, San Millan de Yuso. On arrivait au premier
par un petit bois qui débouchait sur la place où s’élevait une église
magnifique d’influence mozarabe. C’est là qu’était né et avait vécu le célèbre
poète Gonzalo de Barceo, auteur des Miracles de Notre-Dame, un
recueil de

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