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Je n'aurai pas le temps

Je n'aurai pas le temps

Titel: Je n'aurai pas le temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hubert Reeves
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courte vie, qui n’a duré qu’un seul été. Elle a joué son rôle, fabriqué sa part de substance végétale pour l’arbre qui la portait. Maintenant, décolorée, elle se laisse mourir sans histoire. Quelle leçon pour nous…

    Cardère
    Une fleur sauvage qui m’est chère : on la voit – mais on la remarque à peine si on ne la cherche pas – dans les fossés qui longent les chemins de campagne. C’est une grande plante, mince, fine et rugueuse, atteignant souvent deux mètres de hauteur. On la trouve le plus souvent déjà morte, sèche et roussie, mais toujours tenace sur sa tige rigide.
    Son nom officiel est « cardère ». On l’utilisait pour carder la laine des moutons. Mais c’est son appellation populaire de « cabaret des oiseaux » qui m’a attiré vers elle.
    Ses feuilles s’insèrent en paires de chaque côté de la tige à laquelle elles sont fortement soudées. L’ensemble forme, à la base, un réceptacle où l’eau de pluie vient s’accumuler. C’est de ce petit bassin que lui vient encore un autre nom : « baignoire de Vénus ».
    Ayant entendu dire que ses populations diminuaient rapidement, je résolus d’en planter dans mon jardin. Quelques graines récoltées dans la campagne me permirent d’entreprendre ma culture.
    J’adore observer la vie d’une plante tout au long de son existence. J’ai l’impression de faire une nouvelle connaissance. Je la saluerai plus tard quand, au tournant d’un sentier, il m’arrivera d’en voir une autre.
    La cardère vit deux ans. La première année, ses feuilles d’un vert profond et parsemées d’épines s’étalent en étoile sur le sol. Ce n’est que la seconde année qu’elle élance à la verticale sa tige rugueuse qui porte au sommet une inflorescence ovoïde appelée « capitule ». Ses fleurs, si minuscules qu’il faut une loupe pour les observer convenablement, apparaissent en juillet, serrées les unes contre les autres. Elles forment une mince couronne rose lilas qui entoure le capitule vert tendre. Au fil des jours, la couronne s’élève progressivement le long du capitule, l’enserrant jusqu’au sommet. L’agencement de ces couleurs, auxquelles les bourdons affairés viennent ajouter leurs teintes orangées, offre à l’œil un grand moment de bonheur. Je ne rate jamais ce spectacle.

Quatrième partie
    Variations (scherzo)

Chapitre 27
    Recherche et enseignement
    Les motivations du chercheur
    Choisir une carrière scientifique, c’est accepter de passer une bonne dizaine d’années sur les bancs universitaires, tout en sachant qu’on ne deviendra pas millionnaire même si les salaires sont convenables. Qu’est-ce qui peut motiver un tel choix ?
    Le premier élément est, bien sûr, la curiosité. Celle d’explorer dans toutes ses manifestations ce cosmos que nous habitons. S’y ajoute l’enthousiasme de participer à ce grand mouvement d’acquisition des connaissances qui se poursuit depuis des siècles, un peu partout sur la planète, dans des milliers de laboratoires et d’observatoires.
    Il faut cependant prendre en considération un autre facteur dont l’importance varie d’un individu à l’autre, mais qui existe même chez celui qui ne veut pas se l’avouer : le désir d’être connu, d’être reconnu – « que mon génie éclate au grand jour ! ».
    Pourtant, un constat s’impose rapidement : ce rêve d’immortalité est réservé à bien peu. Les Galilée, Newton et autres Einstein ne sont pas légion. Dans la littérature scientifique, les noms défilent et sont rapidement oubliés. Les gloires d’une décennie sont remplacées par celles de la suivante. Bientôt, les chercheurs les plus cités ne se retrouvent plus que dans les anciens numéros de revues. Les bibliothécaires, faute de place sur les étagères, les remisentun jour aux archives. Ce que peut raisonnablement attendre l’homme de science, c’est obtenir que ses contributions, une fois acceptées et reconnues par ses pairs, soient intégrées dans le grand livre du savoir sans qu’il y soit lui-même nécessairement associé et nommé. Une situation qui n’est pas sans m’évoquer la chanson de Charles Trenet :
    Longtemps, longtemps, longtemps
    Après que les poètes ont disparu
    Leurs chansons courent encore dans les rues 1 …
    Me revient en mémoire une phrase de l’astronome Dennis Sciama, qui, dans son grand âge, m’a dit un jour : « Si mes théories sont valables, elles se défendront

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