Je n'aurai pas le temps

questionner sur l’impact d’un projet industriel sur l’environnement. Il convient alors de le mettre en attente pour approfondir les recherches et évaluer les possibles retombées avant de le poursuivre ou de l’abandonner, selon le cas.
    Si on l’avait fait il y a quelques décennies, on ne dépenserait pas aujourd’hui des milliards d’euros à désamianter des bâtiments publics. L’université de Jussieu en est un exemple.

    L’argument de vraisemblance
    Poussé à l’extrême, le doute devient lui-même un sérieux handicap au progrès de la connaissance. L’exigence de preuves irrévocables risquerait de démanteler tout l’édifice de la science. Mais comment savoir où s’arrêter ? Deux exemples illustreront mon propos.
    Premier exemple : on pourrait se demander si César a réellement vécu ou s’il est un être fictif, inventé pour l’édification des foules romaines, un personnage comme on en rencontre dans les récits légendaires des sagas traditionnelles. Les traces de son existence sont nombreuses bien sûr, mais ne pourrait-il pas s’agir en définitive d’une vaste conspiration des historiens ?
    Le second exemple nous mène vers les dirigeants soviétiques. On sait qu’ils sont parvenus à éliminer toute référence à certains personnages. Je pense à Léon Trotski par exemple. Que faut-il en conclure ?
    La vraisemblance devient alors un critère, certes faillible, mais incontournable. Une conspiration des historiens romains pour créer de toutes pièces le personnage de César est peu envisageable. Il n’en est, par contre, pas de même en ce qui concerne les dirigeants soviétiques : la prise en compte de leurs pouvoirs dictatoriaux et de leur volonté d’effacer de l’histoire des faits ou des personnages gênants – ils l’ont fait à plusieurs reprises – autorise effectivement à nous méfier de leurs affirmations.

    Pertinence et limites des convictions
    Les avantages et les limites des convictions sont bien illustrés dans le parcours scientifique d’Albert Einstein. Ce physicien est convaincu que le comportement de lamatière est parfaitement déterminé en termes de causes et d’effets. Rien n’est laissé au hasard.
    Ces croyances, qu’il ne remettra jamais en question, ont sur lui un effet extrêmement dynamique. En quelque vingt années, de 1904 à 1925 environ, elles l’amènent à énoncer les théories de la relativité restreinte et générale. Deux monuments de la pensée humaine qui vont profondément modifier toute la physique contemporaine.
    Plus tard, malheureusement, ces mêmes convictions joueront un rôle stérilisant. Il n’acceptera jamais les fondements de la physique quantique. Il cherchera en vain pendant plus de trente ans à lui substituer de nouvelles hypothèses dans lesquelles le déterminisme absolu retrouverait son statut. Pour Einstein, « Dieu ne joue pas aux dés », ce à quoi Niels Bohr lui répondait : « Albert, cessez de dire à Dieu comment il doit se comporter ! » Einstein n’ajoutera plus grand-chose à l’édifice de la physique.

    Apprendre « quelque chose » à « quelqu’un »
    Aujourd’hui, il est devenu primordial pour nos sociétés de diffuser les connaissances scientifiques. Au-delà de l’enrichissement culturel qu’elles apportent à tous ceux qui s’y intéressent, elles deviennent un facteur essentiel au bon fonctionnement de la démocratie. Tout au long du XX e  siècle, l’influence des technologies sur notre mode de vie n’a cessé de croître. Le développement des énergies, l’armement nucléaire et l’essor des biotechniques en sont autant d’exemples. Nos concitoyens sont et seront de plus en plus appelés à faire des choix difficiles. Il faudra, pour faire les bons, une compréhension de plus en plus approfondie des questions sur lesquelles ils portent.
    « Quand les scientifiques nous parlent, on a souvent l’impression que cela est trop compliqué pour nous. Celanous passe tellement au-dessus de la tête que ça n’est même pas la peine de chercher à comprendre. »
    Ces réactions, combien de fois les ai-je entendues ! Et j’en ai retenu l’appel implicite, bien décidé à ce que les réalités scientifiques dont j’ai connaissance ne restent pas hermétiques à mes auditeurs. Mes propres échecs et défaillances me laissaient insatisfait et, pour améliorer la situation, j’ai cherché à en analyser les causes. Je présente ici un résumé de mes