Joséphine, l'obsession de Napoléon
Sulkowski, se dévoua pour aller récupérer les compromettantes missives.
Des rumeurs alarmantes interrompirent l’idylle vénitienne. Marmont et Charles les entendirent aux quartiers de la garnison française qui demeurait à Venise, et avec laquelle ils étaient évidemment en constants rapports : Bonaparte aurait donné l’ordre de faire arrêter et fusiller Charles ! Les amants tremblèrent ; Joséphine décida de rentrer sur-le-champ à Paris et Charles, à Milan. Ils voyagèrent ensemble jusqu’à cette ville, où Pauline, désormais Mme Leclerc, se joignit à sa belle-soeur pour gagner Paris.
Au relais des Alpes où elles s’arrêtèrent, une autre berline était stationnée ; c’était celle d’Alexandre Berthier, chef d’état-major de l’armée d’Italie. Une amitié ancienne l’unissait à Joséphine, et de surcroît celle-ci était la confidente du général dans sa liaison secrète et tumultueuse avec la belle Giuseppina Visconti. Il revenait de Rastadt et se dirigeait vers Milan, pour prendre la relève de Bonaparte à la tête de l’armée d’Italie. Un entretien à l’auberge, hors de portée d’oreille de Pauline, permit à Joséphine de l’interroger sur la rumeur d’un ordre d’exécution d’Hippolyte.
— C’est une exécution hiérarchique, déclara Berthier : elle consiste en la mise à pied du capitaine Charles.
Joséphine soupira de soulagement.
— Des indiscrets ont rapporté sa présence à vos côtés à Venise. Le général en a été contrarié, reprit Berthier.
Il tira de son grand portefeuille l’ordre de Bonaparte, daté du 10 frimaire de l’an VI. Charles devait quitter immédiatement Milan pour se rendre à Paris et y attendre des instructions ultérieures.
— N’est-ce pas un peu trop sévère ? demanda-t-elle.
Berthier connaissait aussi les rumeurs et se garda de les commenter.
— On peut adoucir la mesure, concéda-t-il.
— Je compte sur vous, implora-t-elle.
Charles se verrait accorder un congé de trois mois pour raisons de famille. Joséphine y songea plusieurs fois par la suite : à quoi songeait donc Bonaparte ? En contraignant Charles à regagner Paris alors que Joséphine ne tarderait pas à y rentrer, il rapprochait les amants. Était-il distrait de la réalité à ce point ?
Cette menaçante énigme assombrit son désir de rentrer à Paris. Après Lyon, où l’on fit aux deux illustres voyageuses un accueil éclatant, elle laissa l’équipage de Pauline la devancer et s’attarda aux étapes. On lui réserva sur tout le trajet une réception triomphale, comme à Moulins, où la Garde nationale, un détachement de l’armée et la police escortèrent « la vertueuse épouse du plus grand des héros » jusqu’à l’auberge. Partie de Milan fin novembre, elle ne rentra à Paris que le 2 janvier 1798, au terme de quelque cinq semaines de voyage, ce qui était décidément un peu long.
Espéra-t-elle que Charles la rattraperait sur le chemin de Paris ? Une longue et inexplicable halte à Nevers jusqu’au 28 décembre 1797 le donne à supposer. Mais il était parti de Milan le 22, et, même en galopant à bride abattue, c’eût été un exploit que de franchir en six jours plus de 500 kilomètres de routes, dont une grande partie en montagne et souvent enneigées.
Ce ne serait que partie remise.
Quand elle y arriva, Bonaparte l’attendait depuis vingt-neuf jours. Mais il avait reçu entre-temps les factures du somptueux réaménagement de la maison, commandé par Joséphine à MM. Jacob ; elles s’élevaient à plus de 300 000 francs ! Toute la décoration avait été refaite, dans un goût inspiré de l’antique et du militaire. Elle incluait six poufs en forme de tambours.
De surcroît, l’on avait attendu Joséphine depuis la semaine précédente, et le ministre des Relations extérieures, Charles Maurice de Talleyrand-Périgord, avait dû à deux reprises remettre la date du grand bal en l’honneur du couple.
Quand elle survint enfin, l’accueil du général fut plutôt frais. Son épouse conjura l’intempérie par des prétextes sur l’état des routes et par des grâces affectueuses.
Une employée arrivant en retard à son travail.
Il était entré à Paris par la barrière du Trône, actuelle place de la Nation, aux acclamations d’une foule immense. La presse, en effet, était emplie des nouveaux succès de cette armée d’Italie qu’il avait portée à la gloire : à la suite de
Weitere Kostenlose Bücher