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Joséphine, l'obsession de Napoléon

Joséphine, l'obsession de Napoléon

Titel: Joséphine, l'obsession de Napoléon Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gérald Messadié
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déceptions.
    Et surtout, le clan des Bonaparte avait pris une importance envahissante. Elle l’avait compris aux divers récits des 18 et 19 brumaire qui lui avaient été faits par plusieurs témoins, dont Eugène : sans Lucien Bonaparte, le coup d’État aurait été foireux.
    La dernière complicité dont elle disposait était celle de Fouché. Épris du pouvoir comme d’autres pouvaient l’être de femmes, il filait comme un furet d’un poulailler à l’autre, s’habillant des idées utiles.
    Depuis qu’elle les entendait réciter, d’Alexandre de Beauharnais aux hommes qui gravitaient près des cimes, elle n’avait que méfiance à l’égard des grandes pétitions de principes politiques ; c’étaient pour elle des déguisements où pouvaient se tapir des couleuvres ou des araignées. Même si les heures et les jours écoulés depuis les événements de Saint-Cloud avaient été trop haletants pour y penser, elle savait que seules comptaient désormais deux réalités : le pouvoir et le clan.
    Sa vie de plaisirs ne l’y avait guère préparée.
    Le pouvoir s’imposa d’abord : elle était à peine remise de ses émotions, le 20 brumaire, que Bonaparte lui annonça leur déménagement immédiat.
    — Mais où donc ?
    — Au Luxembourg. Dans l’ancien appartement de Gohier.
    — Mais lui, qu’est-il devenu ?
    — C’est un imbécile, ma chère. Il ne comprend rien. Peut-être devrais-je le faire déporter.
    Laconique exécution verbale d’un directeur dont il avait, peu de jours auparavant, été le subordonné. Il affichait désormais un mépris souverain pour Gohier autant que pour Barras ; on ne peut estimer des hommes qu’on a vaincus ; s’ils l’ont été, c’est en raison de leur médiocrité.
    Il fallait donc quitter ce havre de l’ancienne rue Chantereine, ce nid assemblé avec tant de soin, et où parfois erraient les fantômes obstinés des amours d’antan.
    Le 24 brumaire de l’an VIII, c’est-à-dire le 15 novembre 1799, elle entassa dans des malles les robes, les attifets et les objets de la vie quotidienne qui la suivraient dans sa nouvelle demeure. À 10 heures du matin, la berline du consul Bonaparte emporta son épouse et la jeune Hortense en direction de leur nouvelle adresse. Ancienne résidence du comte de Provence, l’émigré qui se faisait déjà appeler Louis XVIII, puis prison sous la Révolution, le palais de feu le Directoire était sans doute plus vaste que l’hôtel de la rue de la Victoire, mais il était morne, sinon lugubre, et en tout cas mal chauffé. Barras, du temps qu’il y séjournait, l’avait bien fait restaurer, mais les appartements des Gohier n’étaient guère intimes, pour dire le moins.
    Le palais imprégna Joséphine d’un sentiment sinistre. Aussi était-ce là qu’Alexandre de Beauharnais avait été détenu avant et après son séjour aux Carmes.
    — Ne vous y attachez pas trop, mon amie, nous n’y resterons pas longtemps, prévint Bonaparte en quittant Joséphine après un tour de maison de quelques minutes, car à midi aurait lieu la prestation de serment des nouveaux ministres, Talleyrand aux Relations extérieures et Fouché à la Police, comme de bien entendu.
    Joséphine ne s’attarda pas sur cette annonce. Où iraient-ils donc ? Au Louvre ? À Versailles ? Quoi qu’il en fût, les lieux ne lui manqueraient pas ; elle y était sans cesse soumise à la surveillance d’une armée de domestiques et de gardes. Quant à la prochaine adresse, elle dépendrait du futur statut de Bonaparte.
    Or, après le coup d’État « le plus mal conçu et le plus mal conduit de l’histoire », dirait plus tard Tocqueville, la situation était incertaine. Il eût également fallu beaucoup de naïveté pour imaginer que trois hommes aussi dissemblables que Bonaparte, Sieyès et Ducos partageraient équitablement le pouvoir.
    Joséphine tenta donc d’organiser un train de vie, ralliant celles qui restaient de ses amies. Ce fut ardu : Bonaparte exigea qu’elle ne vît aucune dame dont la réputation ne fût irréprochable ; cela excluait Aimée de Montrond, Fortunée Hamelin et les autres, dont évidemment Thérésa, protégée d’Ouvrard. Bonaparte n’avait pas pardonné sa pingrerie au banquier, qui ne s’était pas montré pressé d’avancer des fonds pour la campagne d’Italie. Aussi l’avait-il payé de quelques semaines de prison. Peut-être n’avait-il pas non plus pardonné la froideur de Thérésa à

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