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Journal de Jules Renard de 1893-1898

Journal de Jules Renard de 1893-1898

Titel: Journal de Jules Renard de 1893-1898 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Renard
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pas, car elle n'est pas riche.
Elle a des toilettes claires, l'air aussi jeune que peut l'avoir une femme déjà vieille, des dents fines et vraies, des cheveux gris, un visage pas trop poudré, et de grosses lunettes.
7 septembre.
Mon cerveau est gras de littérature et gonflé comme un foie d'oie.
9 septembre.
A chaque instant Poil de carotte me revient. Nous vivons ensemble, et j'espère bien que je mourrai avant lui.
10 septembre.
L'écureuil, son murmure à bouche fermée.
13 septembre.
M. Rigal est encore venu me voir ce matin, comme une leçon.
    Il a une chaîne de montre en or, une cravate blanche, une chemise moins blanche, et des accrocs à ses manches, à son pantalon d'un noir poli, poli. Il ne veut pas d'une situation qui l'humilierait aux yeux de ses anciens administrés, mais il leur tend volontiers la main. Il parle d'organiser une loterie à 20 francs le billet. A 200 billets, il trouverait 4 000 francs, avec quoi il recommencerait sa vie. Dans une heure de conversation, il trouve quatre ou cinq idées qui le tireraient d'affaire.
- Qu'est-ce que vous en pensez, Renard ? Il vaudrait mieux faire cela, peut-être ?
Arrive l'instant où ses yeux s'emplissent d'eau. C'est une habitude qu'il a prise. Il réussit très bien.
Et il est toujours gras, de cette graisse des petits restaurants où l'on mange beaucoup de pain. Il a gardé son bon appétit et ses petites dents d'Auvergnat rongeur ; et il a une poignée de main en chair froide.
La misère ne le corrige pas. On voit qu'il se fait à mendier. Il se contente de traiter le siècle de « positif ». Ses mains courent à toutes ses poches, disparaissent, ressortent, vont et viennent pour tirer des lettres : « Tenez, lisez ça ! », des lettres dédoublées pour que ça pèse moins, et sales. On reste les yeux dessus le temps nécessaire pour faire croire qu'on les lit. Et tout à coup :
- Si je retournais à Nevers fonder une nouvelle maison ?
Je le regarde.
    Et sa grosse tête, bouffie, chauve et cuivrée, me fait l'effet d'une cloche dont le battant, soudain, devient fou.
Et, tout le temps, la peur du « tapage ». Mais ça ne tombe pas.
Etre heureux n'est pas le but, mais il faut au moins l'avoir été.
Même en voiture, il a l'air d'aller à pied.
18 septembre.
Il a plusieurs cordes à l'arc de sa lyre.
19 septembre.
Hier, chez les Noirs du Soudan. Une odeur d'insectes écrasés. Femmes portant sur leur dos des enfants dont la tête pend. Les unes écrasent du mil dans des calebasses. Une, jolie, change son petit, et cette jeune mère montre de belles cuisses brunes, polies, tentantes. Un enfant plonge dans un lac verdâtre qui dégoûterait des canards, ramasse le sou qu'on lui a jeté et le met dans sa bouche. Mon confrère écrit, sur de longues feuilles de papier, d'une écriture arabe, en commençant par la droite, des histoires pour son petit garçon.
Ils cousent sans dés, avec des épines. Quelques-uns ont des têtes intelligentes, la plupart, des figures puériles. Dès mon arrivée, je sens dans la foule un chatouillement au ventre : c'est un petit Noir qui pose sa bouche sur mon gilet et dit : « Sou ! Sou ! Sou ! » Je lui donne un sou, qu'il baise. D'autres demandent à échanger leurs sous contre des pièces, et les jeunes femmes envoient un baiser contre un sou.
    Une se pose un cataplasme sur un abcès qu'elle a sous le bras : pas un poil. Ils se chauffent. Je m'imagine que je fais naufrage au Soudan et que tout à coup je me vois entouré d'une cinquantaine de Noirs gambadant et hurlant.
Quelques-uns se promènent avec des Blanches. Volontiers ils touchent nos barbes, et leurs mains nous passent devant la figure comme des chauves-souris
Dans des calebasses ils mangent avec des os plats le riz couleur de ciment. Leurs produits sont rangés par échantillons dans une mosquée, mais sur les étiquettes des bocaux il y a des adresses de Paris. Leurs maisons, nous en faisions de pareilles quand nous étions petits. C'est entre le marin et le lapin.
Les forgerons ont des soufflets cornus qu'ils lèvent et rabaissent comme des diables. Aux chevilles des femmes, de lourds anneaux d'argent. Pas de poitrine : des seins écartés et en forme de poires à poudre.
Histoires naturelles. - Buffon a décrit les animaux pour faire plaisir : aux hommes. Moi, je voudrais être agréable aux animaux mêmes. Je voudrais, s'ils pouvaient lire mes petites Histoires naturelles, que cela les fît sourire.
Il aime beaucoup les voyages. Ce qui l'ennuie, c'est

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