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Journal de Jules Renard de 1893-1898

Journal de Jules Renard de 1893-1898

Titel: Journal de Jules Renard de 1893-1898 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Renard
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autres, et, pour y ajouter, tu as démoli un peu de ton mur.
La vie est courte, mais comme c'est long, de la naissance à la mort !
A un gros clou pendent de petites choses légères.
Elle est toute fraîche, même en sortant du train. Elle voyage comme une fleur dans un panier.
Papa connaît Tolstoï comme socialiste, et Laurent Tailhade comme dynamité.
A mon retour au pays, le matin je fus salué par un chant d'alouettes qui pétillaient dans l'air comme des flammes au bout de hauts cierges.
    Un couple dans le train. Lui, cravate de satin, veste neuve et chapeau mou, rouge et gercé comme la terre trop sèche, rasé jusqu'à la nuque, sentant fort.
Elle, rouge aussi, mains rouges sans gants. Toilette voyante, corsage acajou qui joint mal, et garni d'or, bracelet or formant noeud de cravate ou jarretière. Petits paysans qui se marient et montent en première. La jeune mariée n'en revient pas, des courroies Paris-Lyon-Méditerranée. Lui, il explique paysages, trains qui passent. Ça, c'est un train de marchandises. Des ouvriers travaillant sur la voie, il s'écrie :
- Dire que j'ai été comme ça, moi !
Et tous deux se mettent à rire de pitié !
En face, une grosse femme bouffie et noire, en deuil, mais surtout née en deuil. Elle dort, assise sur le bord de la banquette. Elle se balance comme sur un bateau ivre ; et sa petite fille, qui est bossue, malingre, nerveuse et très « susceptible », souffre de voir sa mère ridicule. Elle l'appelle, lui tire son journal, puis se moque d'elle avec nous. Et la maman répond, du fond de son sommeil houleux :
- Laisse-moi donc ! Et après, qu'est-ce que ça fait ?
Pense à ce que serait un village, son église rasée.
- Courteline ne travaille pas, dit Mendès. Il a encore quinze cents francs de paresse devant lui. Après, il s'y mettra.
    - Je déteste Aphrodite, me dit Griffin.
Et il me donne de si bonnes raisons que je n'en ai aucune de n'être pas de son avis.
C'est bien entendu. Je ne peux rien faire avec génie, par inspiration. Pour obtenir un résultat, il me faut travailler ferme, et me bien tenir, et persévérer. La plus petite faiblesse, je la paie. Il faut que je m'interdise le primesautier, l'impromptu et le chic.
Mme X... Laide dès le premier abord et jusqu'à la fin. Ce ménage est comme un couple de sarments.
Gabriel Randon va à La Revue blanche où il est reçu assez grincheusement par La Jeunesse qui lui dit :
- Que désirez-vous, Monsieur ?
- Je désire savoir deux choses : pourquoi on m'éreinte à La Revue blanche, et ce que vous avez fait de vos c...
L'art du roman, d'après Pierre Sales.
Des arbres morts tendent leur fin squelette la nuit.
Et ces longues journées où l'on écrirait un livre tout entier.
Juin.
Égoïste ? Oui, ma vie m'intéresse plus que celle de Jules César, et elle touche à tant d'autres vies, comme un pré au milieu des prés !
    Mets de l'eau dans ton sang.
Je me croyais vieillissant. J'ai vu Raymond hier. J'ai joué avec lui autrefois. Quelle ruine ! Maigre, voûté, il a les mains recouvertes d'écorce, les dents noires, les yeux éteints. Il est vieux.
On a beau dire ! Ça use, de travailler de cinq heures du matin à sept heures du soir, et de ne pas manger de bons morceaux. C'est gentil, la salade et le fromage blanc quotidiens. Ça et l'air du temps, le bon air de la campagne, ça vous tue un homme en trente ans.
Et moi qui, chaque semaine, cherche dans une glace mes nouveaux cheveux blancs !
L'aiguille de la couturière picore comme une poule minutieuse.
Il y a en moi un fonds de grossièreté qui me permet de comprendre les paysans et de pénétrer loin dans leur vie.
4 juin.
Laurent Tailhade, Écho de Paris, mercredi 3 juin 96, Revue blanche, 1er juin 96.
« Premier que de s'escrimer du poignard... » « Premier que le sôr Péladan se fût voué... »
C'est beau, le style ! Ce « premier que » est comme le « Il a la gueule noire » du propriétaire d'un chien de race.
On est pénétré de respect. Ça impressionne tant qu'on ne trouve rien à répondre.
    6 juin.
Des monuments de nuages se bâtissent là-bas.
Que manque-t-il à mes paysans ? Des noms pris dans la Bible.
Pour écarter l'orage, commettre toutes les lâchetés : prier Dieu, ou feindre de travailler, ou sauver une mouche qui allait se brûler à la flamme d'une bougie.
Vieille ferme, murs qui suent du sang noir de fumier.
Cette aventure me serait-elle réservée ? Je lui écris que j'aime beaucoup, beaucoup (le second souligné), son livre ; et il

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