Julie et Salaberry
amour. Câétait un bon acteur, comme il lâavait prouvé dans le salon dâEmmélie. Ses attentions, ses lettres⦠Tout cela était faux. Seule comptait sa dot pour regarnir la bourse des Salaberry. Et elle savait où menaient ces mariages dâargent! Au néant. La mésentente de ses parents était là pour le prouver.
Et tout à coup, il lui vint à lâesprit que pas une fois, tout à lâheure, Charles ne lui avait avoué quâil lâaimait. «Vous me plaisez et je veux vous épouser», telles avaient été ses paroles.
Le cÅur en lambeaux, Julie était effondrée.
19 . Les ordres ne tarderont pas.
20 . Sâil vous plaît, veuillez ne pas mâinterrompre!
21 . Incroyable!
22 . Ãa me plaît.
Chapitre 13
Derrière les portes closes
Le notaire René Boileau était plongé dans la perplexité. Il relisait ses notes, ne sachant plus à quel saint se vouer pour dénouer une situation dâapparence simple, qui pourtant se compliquait de jour en jour. Ses longs doigts, perpétuellement tachés dâencre, se croisaient et décroisaient nerveusement, signe de préoccupation chez lui. Le forgeron John Lynch avait fait appel à ses services pour rédiger un protêt contre le menuisier Nicolas Proteau. Il accusait ce dernier de ne pas avoir terminé dans les délais convenus un travail quâil lui avait confié. Câétait un simple malentendu, comme il y en avait tant, mais qui, immanquablement, finissait par aboutir entre les murs de son étude. à titre de notaire, il servait souvent dâintermédiaire entre deux parties, ce qui évitait dâavoir recours à un tribunal. Cette fois, le conflit dégénérait. Le protêt de lâun répondait à celui de lâautre et le notaire cherchait vainement une solution à proposer aux protagonistes.
Ce qui lui rappela que lâavocat Bédard avait réussi à obtenir lâannulation du premier procès-verbal de lâaffaire du ponceau par un jugement de la cour du banc du Roi, avant même que Papineau nâait pu prononcer un seul mot! Inutile de se rappeler la fureur de son père à lâannonce de cette nouvelle. La pauvre Emmélie avait eu droit à un chapelet de reproches immérités pour son amitié avec lâavocat député. Puis un nouvel arpenteur sâétait annoncé à Chambly. René avait proposé à son père dâassister à ce deuxième arpentage à sa place. Celui-ci avait accepté, au grand soulagement du notaire. Si ce différend nâétait pas bientôt réglé, il craignait que des mots impardonnables ne soient prononcés et que des familles amies depuis toujours cessent de se parler.
«à croire que le vent de la discorde souffle sur Chambly chaque jour que Dieu fait. Père devra faire des concessions», se dit-il en choisissant sur sa table de travail une plume neuve et un canif. Il taillait lui-même ses plumes, une opération délicate quâil aimait effectuer; elle occupait les mains tout en permettant à lâesprit de réfléchir. Pour cette raison, il nâavait pas encore adopté les nouvelles plumes avec une pointe de métal. Difficile de modifier une ancienne habitude.
Soudain, la porte sâouvrit et Julie pénétra en coup de vent dans le cabinet du notaire. Pour préserver la discrétion de son étude, René avait fait aménager une entrée distincte de la porte principale de la maison rouge.
â Mademoiselle de Rouville! la salua ce dernier, surpris par cette arrivée à lâimproviste.
Personne nâosait franchir le seuil â de ce quâil désignait lui-même comme lâ«antre du lion» â sans sâannoncer, pas même monsieur Boileau, son père, alors que lâétude du notaire logeait dans la maison familiale.
â Mais venez, je vous prie, dit-il en lui offrant un fauteuil.
Julie refusa le siège dâun signe de tête, triturant nerveusement les cordons dâun réticule, ce petit sac féminin de tissu fermé par une courroie coulissante, assorti à une robe de couleur puce. Elle était pâle et semblait en proie à une vive émotion. Que pouvait-elle lui vouloir? Jamais il ne lâavait vue ainsi.
â Monsieur de Salaberry mâa demandée en
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