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Julie et Salaberry

Julie et Salaberry

Titel: Julie et Salaberry Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louise Chevrier
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déserteurs de la Sainte Église craignaient désormais pour leur âme et réclamaient la grâce de la sainte communion, le jour de l’office pascal.
    Â«Ã€ tout prendre, c’est toujours un pas en avant pour le salut des âmes», s’était dit messire Bédard devant ce brusque mouvement de repentir, causé plus par l’approche d’une guerre que par la profondeur de la foi chrétienne de ses ouailles.
    Le regain spirituel de ses paroissiens avait épuisé le curé qui demeurait sans vicaire pour le seconder, malgré les multiples demandes adressées aux autorités ecclésiastiques. Pourtant, monseigneur n’était pas sans savoir que Chambly était une paroisse difficile, avec sa garnison et son vaste territoire. Mais l’évêque s’enfermait dans un imperturbable mutisme. Aussi bien vouloir faire une brèche dans une muraille avec une fronde!
    Messire Bédard soupira. Il n’avait que faire de ces Voltigeurs. Mais qui serait leur aumônier, sinon le curé de Chambly? Et monsieur et madame de Rouville qui s’étaient annoncés ce matin par un billet au ton impérieux…
    Â«Seigneur, épargnez votre serviteur», implora le curé, une prière qui revenait trop souvent pour que Dieu ne l’ait pas encore entendue.

    La calèche menant les Rouville au presbytère venait de s’immobiliser.
    â€” Que se passe-t-il, Joseph? Pourquoi t’arrêtes-tu en chemin?
    â€” Y’a que je ne peux plus avancer, monsieur le colonel. Le passage est bloqué. Impossible de passer.
    Joseph désigna un assemblage de madriers posés sur le ponceau.
    â€” V’là-t’y pas m’sieur Boileau qui s’amène. Il nous fait signe, dit le cocher.
    Monsieur Boileau sortait en effet de la chapelle de dévotion dans laquelle il semblait avoir installé ses quartiers. L’accompagnaient deux habitants plutôt costauds. Monsieur de Rouville reconnut immédiatement les frères Robert apparentés aux Boileau, qui s’occupaient des fermages du bourgeois.
    â€” Qu’est-ce qui vous prend? demanda le colonel, la moutarde lui montant furieusement au nez. Vous vous êtes levé le derrière en premier?
    â€” Madame, monsieur! salua le bourgeois avec une amabilité sournoise en levant son chapeau, comme un homme qui se sait assuré de son droit. Voyez-vous, on clame haut et fort que ce pont est le mien. On se plaint qu’il doit être réparé. Fort bien. J’ai tout simplement décidé d’établir un péage. Désormais, il en coûte un sol par personne, deux pour une voiture à un cheval, trois pour un attelage. Ce qui vous fait six sols en tout.
    Le colonel le foudroya du regard.
    â€” Vous n’avez pas le droit de vous arroger ce privilège.
    â€” Croyez-vous? fit Boileau en agitant une petite bourse pleine de pièces. Peu importe ce qu’en dit messire notre curé, ce n’est pas le Saint-Esprit qui m’aidera à réparer le pont, mais de l’argent sonnant et trébuchant.
    â€” C’est du délire! clama madame de Rouville. Le printemps vous monte à la tête, monsieur Boileau. Je doute que vous ayez pris l’avis de votre épouse si pleine de bon sens.
    â€” Comme vous le savez, madame, c’est au mari de décider des affaires de la famille.
    â€” Dommage! riposta la dame. Cela empêcherait certains hommes de se rendre ridicules.
    â€” Suffit! hurla le colonel. Dégagez-moi tout ça! ordonna-t-il en désignant les acolytes de Boileau. Quant à vous, Boileau, mieux vaut pour votre carcasse que je ne trouve aucun obstacle sur le chemin à mon retour du presbytère. Sinon, je vous jure qu’il vous en coûtera.
    â€” Vous allez chez le curé? Surtout, ne manquez pas de lui annoncer la bonne nouvelle. «Aide-toi et le ciel t’aidera.» Eh bien, voilà, je m’aide.
    â€” Si je n’étais pas si pressé, grogna le colonel, je m’arrêterais pour vous tordre le cou. Allez, Joseph, on y va, ordonna-t-il.
    La calèche passa sans encombre, car les Robert avaient libéré la voie, n’osant désobéir au seigneur de Rouville, plus grand personnage à Chambly que leur cousin le sieur Boileau, quoi que pouvait en penser ce dernier.
    Au presbytère, le curé accueillit ses nobles paroissiens en anticipant un flot de

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