Julie et Salaberry
gouverneur en tamponnant ses lèvres avec une serviette. Mais comme demain je dois partir avant lâaube, je tiens à vous remercier de votre hospitalité dès maintenant.
Il se leva de table.
â Et pour ce faire, je vous invite, avec votre sÅur, à venir souper chez Vincelet, où les officiers du mess tiennent à régaler leur commandant en chef.
Prévost attrapa son couvre-chef et se tourna vers la jeune fille qui se tenait en retrait de son frère.
â Très chère demoiselle Bédard, je vous présente mes hommages respectueux, et jâespère vous revoir ce soir.
Et il sâinclina sur sa main un peu plus longuement que la bienséance ne le permettait, mais pas suffisamment pour alerter le curé, trop occupé à récapituler mentalement lâhoraire chargé de sa journée.
Dégoûtée par les manières du gouverneur, Marie-Josèphe se précipita vers le puits après son départ pour y tremper ses mains dans lâeau pure.
à quelque distance de la fortification, les villageois sâétaient massés autour du champ de parade en attendant la revue des troupes. Les divers régiments en étaient à se regrouper sur la banlieue: la milice de la paroisse Saint-Joseph-de-Chambly, les premier et deuxième bataillons de la milice dâélite, les Voltigeurs canadiens et le 100 th Regiment of Foot de lâarmée. Les hommes regagnaient leur rang pour former des alignements impeccables.
Marguerite était venue admirer le spectacle avec ses enfants et ses parents, François et Victoire Lareau, ces derniers accompagnés bien entendu dâAppoline.
â Voici nos cousins, dit Victoire en désignant Emmélie, Sophie, Zoé, ainsi que monsieur et madame Boileau qui venaient vers eux.
â Là , je vois René et le docteur, cria Zoé en désignant le deuxième bataillon de la milice. Hou, hou! Regarde, Melchior, dit-elle à son cousin.
â Maman, je vois père, sâemballa le jeune garçon en désignant un homme du doigt. Et voici mon parrain, le colonel de Rouville. Vive le colonel!
â Ils ne peuvent pas tâentendre, dit Emmélie en riant.
â LÃ ! LÃ ! Les Voltigeurs, sâenthousiasma encore Melchior. Regarde, Appoline, câest mon oncle Godefroi.
â Eh bien! dit François Lareau, la voix étranglée par lâémotion de voir son fils en uniforme défiler dans le régiment du major de Salaberry.
â As-tu des nouvelles de monsieur Papineau? demanda pendant ce temps-là Marguerite à Emmélie en chuchotant.
â Il a rejoint le cinquième bataillon de milice, mais cet été, il était à Québec pour la session. Ces jours-ci, il doit être avec son régiment, lui apprit la jeune fille. Il est incapable de revenir à Chambly.
â Alexandre disait lâautre jour que son bataillon sera sans doute cantonné à Coteau-du-Lac. Câest très loin de nous.
â Oui, soupira Emmélie, déçue.
â Ne crains rien, tu le reverras, ton amoureux, la réconforta Marguerite avec un petit sourire.
â Ce nâest pas mon amoureux, câest un ami, protesta Emmélie en rougissant. Mais voici madame de Rouville et sa fille, madame de Salaberry.
â Et madame Juchereau-Duchesnay, la belle-sÅur de Julie, dit Sophie.
â Mesdemoiselles, mesdames, comment allez-vous? les salua Julie.
â Tante Julie! sâégaya Melchior en apercevant madame de Salaberry.
â Alors, jeune chenapan, quâest-ce que tu attends pour mâembrasser? lui dit Julie en lui ouvrant les bras. Et toi aussi, Appoline, viens près de moi. Ah! Quel bonheur de vous revoir tous!
Julie salua vivement à la ronde, trop heureuse de retrouver ses amies, et rafraîchissait la mémoire de sa belle-sÅur Hermine qui se rappelait vaguement les demoiselles Boileau.
Son teint avait légèrement pâli, tout en laissant un peu de rose sur ses joues, et avec sa mince silhouette et ses yeux brillants, Julie avait embelli, constata Sophie.
â Le mariage vous va comme un gant, affirma-t-elle sans détour. Jâéprouve un réel plaisir à vous voir ainsi. Avouez que câest de bon augure pour mon propre mariage! ajouta-t-elle en riant.
â Câest bien aimable de votre part, répondit simplement Julie, dissimulant un serrement au cÅur.
à Québec, le
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