Julie et Salaberry
Victoire et de Marguerite pour le fils Rouville venait sâajouter aux réticences de ses grands enfants. Elle se promit de tirer cette affaire au clair tandis que René ramenait la conversation sur le sujet qui les réunissait.
â Docteur, en écoutant votre récit, jâai eu lâimpression quâil nây a que des apparences contre Godefroi.
â Ce serait vrai si le dénommé Peltier ne lâavait pas formellement désigné comme étant un de ceux ayant incité à la désertion.
â Câest embêtant, mais ce Peltier peut mentir. Godefroi est détenu à Chambly, avez-vous dit? demanda le notaire.
â Câest exact.
â Je vais tenter de lui parler dès aujourdâhui pour connaître sa version des faits. Par la suite, docteur, je propose que vous et moi nous rendions le plus rapidement possible à Saint-Philippe, rencontrer Salaberry. Il y a certainement un malentendu et peut-être quâil sera possible de le dissiper par une simple conversation avec le commandant des Voltigeurs, résolut René.
â Je vais avec vous, décida son père en approuvant la démarche.
â Ah, non! sâécria madame Boileau avec un air décidé qui déconcerta son mari. Depuis lâhistoire du ponceau⦠Je nâen dirai pas plus. Tu restes à la maison.
â Merci, mon cousin, pour votre offre généreuse, dit alors Victoire en voyant le visage de Boileau, vexé dâêtre rabroué publiquement par sa femme.
â Mon cher ami, je reconnais là votre grand cÅur, dit alors le docteur, mais je crois quâune imposante délégation risquerait dâirriter Salaberry.
â Câest fort sage, lâappuya René, coupant court aux excuses destinées à ménager lâorgueil de son père. Nous partirons à la première heure demain.
â Et si nous sollicitions lâaide du colonel de Rouville? avança Boileau qui nâaimait pas être de reste.
â Hum⦠fit Emmélie, dubitative. Monsieur de Rouville sera sans doute outré que lâon mette en doute la parole de son fils.
â Par contre, madame de Salaberry nous connaît depuis toujours. Elle est la marraine de notre petite Marie-Anne et elle nous aidera certainement à convaincre son mari.
Tous se rangèrent à lâopinion du docteur, le cÅur plein dâespoir.
Après la bataille de Lacolle, Salaberry avait reçu les félicitations de lâadjudant général Baynes. Mais après ces dix jours cantonné avec ses Voltigeurs dans les bois entourant Lacolle, Charles était rentré chez lui épuisé et souffrant de rhumatisme et Julie sâinquiétait de la santé de son mari. Lâétat-major lâaccablait de nouvelles responsabilités. Elle le voyait constamment occupé à rédiger des ordres, des autorisations, des réquisitions et des rapports à ses supérieurs. Il fallait ajouter à cela le courrier destiné à la famille. Louis de Salaberry se révélait un véritable tyran, reprochant sans cesse à son fils de ne pas lui écrire, sans tenir compte du fait que de son côté, Julie entretenait une correspondance assidue avec sa belle-mère et ses belles-sÅurs. à Beauport, personne ne pouvait prétendre manquer de nouvelles récentes.
Par contre, depuis quâil sâétait installé avec Julie à Saint-Philippe, Salaberry vivait des jours heureux. La petite maison abritant les débuts de leur vie conjugale était modeste. «Ce nâest quâune humble chaumière», déclarait-il aux visiteurs en désignant le poêle quâil avait fait installer pour en améliorer le confort. Auparavant, il nây avait que la cheminée pour chauffer les lieux, avec une vieille crémaillère suspendue dans lââtre de la cuisine pour faire à manger. Il expliquait cela, un brin de fierté dans la voix. Et chaque jour, il sâémerveillait de voir le visage épanoui de Julie, et ce ventre qui rondissait.
Plus rien ne subsistait de la timide jeune fille rencontrée lâannée précédente. Julie était radieuse et sa grossesse ne lui causait aucun ennui de santé. Elle aussi aimait leur petite maison et tenait son ménage avec lâaide de Jeanne et dâAntoine.
Les canons guerriers sâétaient tus pour
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